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"M'Pi et Jean-Louis", la vie d’un couple formidable

Une image du spectacle "M’Pi et Jean-Louis" à la Parfumerie de Genève. [©CaroleParodi]
MʹPi et Jean-Louis, couple formidable / Vertigo / 5 min. / le 10 décembre 2021
Au Théâtre de la Parfumerie, à Genève, jusqu’au 19 décembre, la metteuse en scène Charlotte Filou rend hommage à un couple d’exception. "M'Pi et Jean-Louis" tient du conte de Noël. Sauf que c’est pour de vrai!

"Celle qui ne voyait pas. Celui qui n’entendait pas. Et celle qui va apprendre." Posée ainsi, l’histoire de "M’Pi et Jean-Louis", écrite et mise en scène par Charlotte Filou, a des airs de parabole. Au Théatre de la Parfumerie, il est cependant question de vraies gens et d’un spectacle en hommage à un couple hors normes. Le genre d’originaux formidables qui font les délices des émissions télévisées consacrées aux destins d’exception.

Une bonne sœur et un prêtre

Marie-Pierre, alias M’Pi, c’est celle qui ne voyait pas. A cette époque, une jeune fille modeste et aveugle ne pouvait grandir que chez les bonnes sœurs. Marie-Pierre rejoint une congrégation et suit une voie consacrée à l’entraide et à la charité, pour les prisonnières, les prostituées, les filles paumées. Jusqu’au jour où elle rencontre Jean-Louis.

Jean-Louis, c’est donc celui qui n’entendait pas. Une maladie laisse l’enfant sourd comme un pot. Il compense par les études, les grands penseurs, la philosophie et trouve sa première vocation dans la prêtrise. Lui aussi, il aide et soutient, la jeunesse comme les vieux. Jusqu’au jour où il rencontre M’Pi.

Du Vatican à la Picardie

Affiche du spectacle "M'Pi et Jean-Louise". [Théâtre de la Parfumerie]
Affiche du spectacle "M'Pi et Jean-Louise". [Théâtre de la Parfumerie]

L’affiche du spectacle "M’Pi et Jean-Louis" nous les montre tous les deux culs nus, main dans la main, visiblement en train de plonger joyeusement dans une piscine. Une bonne sœur et un prêtre? Mai 68 est passé par là. Avec une révolte contre l’Eglise alors prompte à soutenir le conservatisme bourgeois bien-pensant plutôt qu’à s’intéresser aux plus faibles de la société. M’Pi et Jean-Louis s’éloignent du Vatican pour mieux se rapprocher des gens.

Les voici à Ham, un bourg dans la campagne picarde, maisons de briques rouges entourées de champs, de vaches et d’usines. Dans cette France rurale et ouvrière, M’Pi et Jean-Louis ont une maison grande ouverte pour qui le souhaite. Partager, enseigner, soutenir, rassembler, apporter de la joie, de la musique, des livres… C’est là qu’arrive la petite Charlotte et ses frères et sœurs. Ham, c’était tout plat, comme sa vie. Désormais, c’est un lieu d’évasion.

La suite pour Charlotte, c’est du chant, du théâtre, Paris, des comédies musicales, des pièces jouées en France, puis en Suisse, des collaborations avec Fabrice Melquiot, Joan Mompart et finalement ses valises posées à Genève avec dedans des souvenirs et une infinie reconnaissance.

Une histoire racontée au présent et au passé

Comment rendre hommage? D’abord avec un film, des heures d’interview chez M’Pi et Jean-Louis, des archives en Super 8, des polaroïds aux tons fanés. Ce premier projet de Charlotte Filou n’aboutit pas, torpillé par les attentats de Paris et coulé par la pandémie.

Le désir et la volonté n’abdiquent pas pour autant. Le projet devient pièce de théâtre et film documentaire à la fois. Une histoire racontée au présent et au passé. Avec sur scène une comédienne – Virginie Barreteau – pour incarner la jeune Charlotte, qui passe sa rage en shootant des mottes de terre. Des rideaux-écrans accueillent les entretiens filmés de M’Pi et Jean-Louis. Entre la parole en boîte et la parole en live, ça dialogue avec malice. Sur scène, il y a aussi un MC. Docte dans sa tour de toile blanche, Hugues Sanchez est à la fois récitant, prêtre et metteur en sons.

Le couple M’Pi et Jean-Louis, on aurait envie qu’il soit là, dans le théâtre, pour qu’on puisse lui claquer une bise et lui dire merci. Hélas, elle a quitté ce monde l’an passé, trop tôt pour assister à ce bel hommage. Lui, il est toujours à Ham et les années commencent à être lourdes. Reste Charlotte Filou, installée à côté de la régie. On peut la remercier. Son spectacle fait du bien. La générosité c’est contagieux.

Thierry Sartoretti/sb

"M’Pi et Jean-Louis", Théâtre de la Parfumerie, Genève, jusqu’au 19 décembre 2021.

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