Mobilier en bambou, récipients à cocktail en noix de coco, sono, piste de danse, habits colorés et colliers de fleurs artificielles, bienvenue dans "Le Grand Dancing". On y danse, on y joue, on y parle. L’atmosphère est légère, surannée comme une comédie musicale de Jacques Demy.
Dans "Le Grand Dancing", on se balance au rythme tout guilleret du madison, un pas de danse qui nous ramène au début des années 1960, entre Etats-Unis et Saint-Tropez. Voilà pour la bonne ambiance.
Des rencontres improbables
Sur le parquet du "Grand Dancing", on découvre Anton Tchekhov, Quentin Tarantino, Philippe Katerine et Marguerite Duras. Les voici esquissant des pas de danse tout en faisant connaissance et conversation. Leur point commun: écrire des fictions, inventer des personnages. Et dans la fiction, comme tout est possible, voici donc des rencontres par-dessus les siècles et les océans.
Ces belles plumes sont à leur tour devenues personnages, incarnées par cinq comédiennes et comédiens qui changent de rôle sur un simple claquement de doigts. Dans "Le Grand Dancing", on apprend ainsi à mieux connaître Ludovic Chazaud, Céline Nidegger, Marius Schaffter, Virginie Schell et Bastien Semenzato. On y croise également Miss Blue, Miss Yellow (toutes deux DJ), Molière, Racine, Madonna, Tolstoï et Godard… Et là, ça commence à se bousculer sérieusement sur la piste de danse et dans la conversation au point de donner le tournis côté public. Ce qui n’est pas grave du tout.
Un bonheur communicatif
"Le Grand Dancing" semble né du côté de Perm, en Russie, fruit d’une collaboration entre le Teatr Teatr (qui enseigne et pratique un théâtre contemporain) et le duo romand Julien Basler & Virginie Schell. On écrit "semble", parce que dans cette affaire, faits et fiction, on l’a compris, ne sont pas simples à démêler. Un premier spectacle nommé "Milkshake" rendait hommage au film "Pulp Fiction" de Quentin Tarantino. Et voici que ce projet s’éclate aujourd’hui sur la piste de danse du Théâtre Saint-Gervais. "Le Grand Dancing" est donc un peu russe et surtout très rusé.
Car ce qui compte ici, c’est le pur plaisir. Celui du jeu, du brouillage de pistes, du rythme, du swing et du mélange des codes comme des styles. On ne reviendra pas du "Grand Dancing" avec un débat orageux sur la condition humaine. Ce bal nous aura peut-être même un peu perdus. Encore une fois, ce n’est pas grave. On sortira de là avec le sourire. Heureux d’avoir vu des artistes s'amuser en travaillant, travailler en s’amusant, donner l’impression que le spectacle s'invente au fur et à mesure en toute fluidité et délivrer le tout avec un bonheur communicatif. Un tour de magie, en somme.
Thierry Sartoretti/aq
"Le Grand Dancing", Théâtre Saint-Gervais, Genève, jusqu'au 17 décembre 2021.