Elle est seule au milieu d’une scène vide, Katy Hernan. Une pile électrique qui danse sur toutes les rengaines possibles. Pop, rock, disco, reggaeton… des musiques qui disent la joie, la force, le plaisir, la vie. Elle sourit, Katy Hernan, éclatante sous sa coiffure léonine. Elle sourit trop en fait. Comme si sa joie allait bientôt se fracasser, telle la couche de glace trop mince d’un lac gelé devenu patinoire.
Une danse de la résilience
C’est du théâtre et Katy Hernan danse. Beaucoup. Son solo s’appelle "En corps là" et comme le suggère le jeu de mot de son titre, il est ici question de résilience. Elle est là, devant nous, et revient de loin. Elle n’a pas encore commencé à parler qu’on songe à la rengaine tristement joyeuse de Stromae: "Qui dit proches te dit deuils. Car les problèmes ne viennent pas seuls. Qui dit fatigue dit réveil. Encore sourd de la veille. Alors on sort pour oublier tous les problèmes. Alors on danse".
"En corps là" est un récit au "je". L’histoire de son couple, de sa grossesse et de sa fille. Le récit de ses pulsions suicidaires et de ce jour où elle s’est effondrée sur le sol de son appartement. Le souvenir plus ancien d’un abus sexuel dans une gare parisienne. Katy Hernan se raconte, sans filtre, parle d’infertilité, de procréation médicalement assistée, de maladie auto-immunitaire, de chutes et de rechutes, de tétanie. C’est lourd, intense et pourtant la comédienne empoigne son récit de vie avec de l’humour et une énergie folle qui n’est pas celle du désespoir.
De l'intime à l'universel
"Au début, je pensais récolter différents témoignages de parents d’enfants malades ou de personnes ayant dû passer par des centres de procréation médicalement assistée et des personnes ayant voulu attenter à leurs jours. Et surtout, je pensais que quelqu’un d’autre devait le porter pour que cela soit moins intime. J’ai réalisé qu’au contraire plus j’allais être dans l’intime en partageant un récit personnel, plus j’atteindrai l’universel", confie la comédienne à la RTS.
Il est bref, le solo de Katy Hernan. Une heure rondement menée dont on sort avec l’impression d’avoir fait dix tours de montagnes russes. Oui, un tel spectacle peut être à la fois grave et léger, enraciné dans le réel et pourtant aérien, optimiste. Katy Hernan, comédienne fêtée au Festival d’Avignon et sur les scènes romandes est "En corps là". C’est une petite victoire. Ne la manquez pas.
Thierry Sartoretti/sb
Katy Hernan, "En corps là", au Théâtre 2.21, jusqu’au 16 janvier dans le cadre du festival Singuliers Pluriel. Puis au Théâtre Benno Besson, le 16 mars, dans le cadre du festival A Vrai Dire.