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"Cinq hommes", du bon théâtre en chantier

Une scène du spectacle "Cinq hommes" mis en scène par Robert Bouvier . [DR - Ariane Catton]
Cinq Hommes / Vertigo / 5 min. / le 25 janvier 2022
Pour incarner cinq maçons engagés au noir tels qu’imaginés par le dramaturge australien Daniel Keene, le metteur en scène Robert Bouvier a choisi des acteurs venus de partout aux accents savoureux. Un pari réussi. A voir actuellement à Genève.

"Cinq hommes". C’est le titre de cette pièce de théâtre et c’est exactement ce que l’on voit sur scène. Cinq hommes, plus ou moins 40 ou 50 ans. Cinq ouvriers engagés à la criée pour des travaux de maçonnerie au noir. Le patron, il en est souvent question: c’est un mauvais payeur. On ne le verra cependant jamais. Juste ces cinq-là, réunis par le hasard d’un chantier et d’une embauche. Selon Larbi, l’un d’entre eux, ils auraient été choisis uniquement parce qu’ils portaient des chaussures solides, signe de professionnalisme.

On doit ces "Cinq hommes" à Daniel Keene, dramaturge australien, lui-même fils d’ouvrier. La pièce serait-elle donc une ode au prolétariat? Pas vraiment, même s’il y a ici volonté d’hommage aux anonymes qui bâtissent nos maisons. "Cinq hommes" n’est pas un documentaire syndical, plutôt une allégorie, une conversation existentialiste, parfois poétique, entre cinq solitaires, philosophant sur la dureté de leur existence précaire et formant, le temps d’un boulot, société masculine. Avec ses codes, ses complicités, ses duplicités, ses espoirs et ses désillusions.

Le retour d'un triomphe

"Cinq hommes", c’est aussi la mise en scène vivante et énergique du Neuchâtelois Robert Bouvier, lequel reprend aujourd’hui cet ouvrage créé en 2006 et qui triompha sur les scènes de Suisse et de France au cours de 135 représentations. Un chiffre suffisamment exceptionnel dans le théâtre d’ici pour être souligné.

Ce succès, "Cinq hommes" le doit bien sûr à son auteur et à son metteur en scène. Il le doit aussi et dans une très grande mesure à ses interprètes. Pour incarner ses ouvriers, Robert Bouvier a choisi cinq comédiens avec des accents savoureux, décomplexés, assumés. Les cinq personnages viennent d’un peu partout. Il en va de même de leurs interprètes: le Polonais Bartek Sozanski, l’Espagnol Antonio Buil, le Roumain Dorin Dragos, le Marocain Abder Ouldhaddi et le Malien Hamadoun Kassogué, ce dernier remplaçant un précédent comédien fauché par un cancer, le Sénégalais Boubacar Samb, dont on entend la voix en préambule du spectacle.

Un souvenir d'ailleurs

Ces cinq comédiens n’ont – à ma connaissance – pas de passé ouvrier. Peu importe: on ne demande pas aux interprètes d’un Shakespeare d’avoir été roi, reine ou spadassin dans une vie précédente. Ils sont cependant tous les cinq, eux aussi, issus de l’immigration, menant désormais leur carrière de comédien qui en Suisse qui en France. Et pour le metteur en scène Robert Bouvier, au-delà du plaisir d’entendre ces voix très personnelles, il y a chez ses interprètes, comme chez leurs personnages, ce souvenir d’un ailleurs, d’un autre part d’eux-mêmes lié à l’enfance, à la famille et à une forme de nostalgie.

Dans "Cinq hommes", on apprécie le travail, le sommeil, les veilles de nuit ou les beuveries au bistrot. Et l’on comprend que cette équipe d’un chantier théâtral ait répondu à nouveau présente pour cette reprise. Soudés, convaincus et convaincants qu’ils sont tous les cinq au pied de leur mur.

Thierry Sartoretti/ads

"Cinq hommes" à Genève, Théâtre du Loup, jusqu’au 30 janvier 2022.

"Cinq hommes" à Neuchâtel, Théâtre du Passage, du 11 au 13 février 2022.

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