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Dans "Spaghetti bona fide", le théâtre fait sauter la politique italienne

Une scène du spectacle "Spaghetti Bona Fide". [Théâtre Le Poche.]
Spaghetti Bona Fide / Vertigo / 4 min. / le 12 avril 2022
Mise en scène par le duo Dorothée Thébert et Filippo Filliger, "Spaghetti bona fide", formidable et gourmande comédie de Matteo Emilio Baldi, se déguste au Théâtre le Poche, à Genève, jusqu’au 15 mai. Des linguine à la Lega, tout se cuisine!

Le théâtre, c’est de la cuisine. Un texte, une équipe de comédiennes et comédiens, un décor, de l’éclairage, des musiques, des costumes… Il faut choisir les ingrédients de la meilleure qualité, les doser, les marier, les assaisonner juste ce qu’il faut, préserver leur fraîcheur à la cuisson et servir le tout avec générosité.

Dans "Spaghetti bona fide", première pièce de théâtre de Matteo Emilio Baldi, jeune dramaturge à la double origine italienne et argovienne, il faut bien sûr que le résultat soit al dente à souhait. Pari pleinement réussi pour le duo Dorothée Thébert et Filippo Filliger, responsable de cette mise en scène gourmande et piquante.

Un parfum d'amour et de plaisir

Sur la scène du Théâtre Le Poche, à Genève, on découvre une cuisine équipée. Un piano, comme on dit dans le métier, avec ses corps de chauffe et son évier. A peine arrivé dans la salle, le public flaire un délicieux bouquet de sauce tomate. Sur le plateau, ça rigole, ça picole, ça mitonne, ça saute et ça saisit. Un peu de cul, beaucoup de cuisine, il fleure comme un parfum d’amour et de plaisir. Le public en profite pleinement chaque soir: le prosecco, les pâtes aux oursins et autres cocktails passent allègrement de la scène aux gradins au fil de recettes cuisinées en direct.

Dans "Spaghetti bona fide", nous sommes en Sardaigne, au bord de la mer, à deux pas de la villa de Berlusconi près d’Olbia. Dans ce petit refuge discret, deux couples recomposés tournicotent autour des poêles: lui, membre du Mouvement Cinq Etoiles, populiste de gauche, a refait sa vie avec une députée de la LEGA, soit l’extrême droite italienne. Elle, membre de ce même mouvement et potentiellement ministre, file le parfait amour avec une présentatrice de télévision. Il ne faudrait surtout pas que cette joyeuse société se fasse attraper par les paparazzis, ça pourrait leur coûter leur carrière. Et voilà que sur la plage la plus proche échouent des lots de bouteilles de champagne et des gilets de sauvetage… Mamma mia!

Gastronomie et politique italiennes

Dans leurs rôles de stars de la politique à paillettes, les comédiennes et comédiens Angèle Colas, Jeanne De Mont, Fred Jacod-Guillarmod et Zoé Sjollema font des étincelles. Le public se régale et la satire fonctionne à plein, légère et pétillante comme une comédie de Dino Risi.

Pour Matteo Emilio Baldi, l’Italie offre à la fois le meilleur et le pire. Le meilleur, c’est sa cuisine qu’il pratique au quotidien du côté d’Aarau. Le pire, c’est sa politique, clinquante, vulgaire, hypocrite, volatile, indigne, honteuse, compromise… La réunion du meilleur et du pire serait un talk-show télévisé du samedi soir où Madame la Ministre du Mouvement Cinq Etoiles expliquerait ses petits trucs en cuisine. Un talk-show que raille "Spaghetti bona fide", où la moindre évocation d’un légume ou d’une épice vaut son pesant de sous-entendus politiques.

Thierry Sartoretti/aq

"Spaghetti bona fide", Théâtre Le Poche, Genève, jusqu’au 15 mai 2022.

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