Il n’a pas bon teint, Célestin. Il a beau traîner sur le toit de son immeuble, sous le soleil, c’est comme s’il restait à l’intérieur de lui-même. A l’ombre de ses idées sombres. Célestin n’est cependant pas tout seul. Il est flanqué d’une compagnie difficile. Il dialogue avec un esprit, un explorateur du ciel: son frère Célin qui n’est plus de notre monde et lui apparaît tel un super-héros qui ne grandit plus.
Un jour, Célestin trouve un colibri. Un colibri en état de torpeur, plongé dans un sommeil profond. C’est un cadeau de Célin. On peut aussi penser que cet oiseau-là a plus d’une ressemblance avec l’état de Célestin. Au même moment, sur ce toit d’immeuble où l’on n’a pas le droit d’aller parce que c’est dangereux, Célestin rencontre Lotte, une voisine de son âge, 14-15 ans. Elle aussi traverse un désert avec des cailloux dans le sac à dos: un père absent, une mère à l’autre bout du globe et ce choix entre l’exil ou le placement en famille d’accueil.
Projet littéraire, théâtral et musical
Cette rencontre improbable, inespérée, aérienne, c’est "Le Colibri", un drôle de projet écrit par Elisa Shua Dusapin et co-signé par de beaux complices qui ont toutes et tous apporté leur plume, leur patte ou le bec à cette tendre histoire vécue entre ciel et cheminées.
Il y a Hélène Becquelin, la dessinatrice, qui livre son "Colibri" illustré tout en douceur aux Editions La Joie de lire. Il y a Joan Mompart qui met en scène ce texte en laissant une belle part à l’imaginaire avec un excellent trio sur le plateau du Théâtre Am Stram Gram de Genève: Mathieu Fernandez-Villacanas, Clémentine Le Bas et Matteo Prandi.
Enfin, il y a Christophe Sturzenegger, éminent souffleur de cuivres. L’homme au catogan signe les musiques du "Colibri". Dans la version BD, on peut les écouter via un code QR tout en lisant le bouquin. Dans la version théâtre, Christophe Sturzenegger co-dirige en personne sa partition dans la fosse d’Am Stram Gram avec les musiciens de l’OSR et parfois cède le pupitre au chef Philippe Béran flanqué des instrumentistes de l’Orchestre du Collège de Genève.
L’ambiance musicale vole entre Prokofiev et les bandes-son des animés de Miyazaki. Oui, ce "Colibri" vole haut et dans bien des registres. Sur scène, il y a même de la danse en plus des mots et de la musique.
"Le Colibri est une histoire de lignes de faille, de liens qui se tissent pour donner sens à l’indicible, et faire se déployer les ailes". C’est le programme d’Am Stram Gram qui le dit. Au bord de ce toit, poussé par le souffle du vent, il y aura en effet des choix à faire pour Célestin et Lotte.
Et n’oubliez pas que la torpeur n’est qu’un état passager chez ce colibri qui reprendra bientôt le goût du butinage floral.
Thierry Sartoretti/aq
"Le Colibri", Elisa Shua Dusapin et Hélène Becquelin, un livre audio avec une musique de Christophe Sturzenegger, éditions de la Joie de lire
"Le Colibri", création théâtrale d’Elisa Shua Dusapin, Joan Mompart et Christophe Sturzenegger. A Genève, Théâtre Am Stram Gram, jusqu’au 15 mai. Dès 10 ans.
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