Quatre jeunes adultes se retrouvent sur le lieu de leurs jeux d’enfants: une cabane construite au fond d’un bois. Un lieu précieux et secret. Une ruine porteuse de mille et un souvenirs et émotions.
Cette cabane, c’est littéralement une machine à remonter le temps. A peine la bande des quatre se retrouve, Alice, Simon, Laura et Jérémy perdent illico vingt ans, leurs poids d’adultes et se retrouvent lestés des cartables et des devoirs. Les voici revenus au temps de l’enfance, des collections d’insectes, des plans secrets, des méditations sous les étoiles et de la première embrassade. Presque un paradis. On y trouve beaucoup de joie et quelques angoisses parfois difficiles à oublier.
Ainsi, ce souvenir partagé par chacun et chacune: perdre nos parents dans une foule ou un magasin. Et puis le mois de septembre, c’est celui de la rentrée. Ou plutôt c’était, car désormais les vacances sont plus courtes et la cloche sonne déjà en août. Un cap ardu à franchir, la rentrée. Est-ce que mes amis auront tellement changé qu’on ne sera plus ensemble? Vais-je retrouver la même classe? Est-ce que tout le monde va raconter ses super vacances, sauf moi qui n’ai rien fait de spécial durant l’été à part habiter chez ma tante à la campagne?
La mémoire de l'enfance secouée
"Septembre", spectacle écrit et mis en scène par Laetitia Barras, avec Loredana Von Allmen, Claire Nicolas, Sébastien Gautier et Jonas Marmy, secoue la mémoire de l’enfance comme on viderait son sac à dos. Tombent en vrac les doux, les durs, les faciles, les difficiles souvenirs. Des questions sur la mort et le suicide, une course d’escargots et autres comptages d’avions dans le ciel.
Accroché aux cintres du théâtre, une sorte de mobile en bois construit de bric et de broc symbolise cette cabane merveilleuse d’autrefois. Le jeu des quatre comédiennes et comédiens possède l’élasticité et l’énergie de cet âge. "Septembre" n’est pas un spectacle pour tout jeune public. Il faut avoir déjà traversé l’enfance pour en éprouver la nostalgie.
Cette cabane dans les bois, lieu de tous les possibles, refuge en plein bois, constitue un thème récurrent dans le théâtre d’aujourd’hui. Un thème que cette compagnie lausannoise va suivre comme un jeu de piste. Après "Septembre" se prépare en effet une histoire en haute altitude. Cet été, la comédienne Lorena Von Allmen présente "Forêt" au Festival de la Cité à Lausanne, puis "Cabane" au Théâtre de l’Orangerie à Genève. On soupçonne une forte envie de s’échapper dans la nature.
Thierry Sartoretti/olhor
"Septembre", Laetitia Barras, La Traverse, Maison de quartier des Pâquis, Genève, du 24 au 26 juin 2022. Au Théâtre Waouw, Aigle, du 30 septembre au 2 octobre 2022.
"Forêt", de Lorena Von Allmen, Festival de la Cité, Lausanne, 9 et 10 juillet 2022.
"Cabane", de Lorena Von Allmen, Théâtre de l’Orangerie, Genève, du 10 au 21 août 2022.
Les rescapés du coronavirus
En Suisse romande, l’essentiel du financement du théâtre est public, soutenu par des subventions ou produit par des théâtres eux-mêmes financés par les pouvoirs publics. Durant la pandémie de Covid-19, tous ces spectacles sacrifiés de la saison 2020-2021 ont vu leur financement et leur survie garantis. Ils se verraient offrir une seconde chance lors de la saison suivante.
Un cadeau parfois empoisonné. La saison suivante était déjà remplie de nouveaux spectacles. Public et théâtres ont vécu ces derniers mois un véritable embouteillage de créations glissées au chausse-pied dans une programmation devenue pléthorique. Des créations se retrouvent en queue de saison, période où la chaleur évapore le public. Ainsi "Septembre",, parmi d’autres, n’a pas eu la partie facile en plein cagnard estival lors de son passage à la Maison de quartier de Chailly à Lausanne.
Une étude récente commandée par la Corodis (la commission romande de diffusion des spectacles) parle de "surchauffe" dans les arts de la scène de Suisse romande. On ne saurait blâmer les artistes dont l’essence même de leur existence est la création. On ne saurait blâmer le public confronté à une offre fabuleuse pour un ce petit territoire. On doit espérer un retour à des programmes plus raisonnables, afin que les spectacles trouvent pleinement leur public. Surtout s’ils sont bons.