Le maître de théâtre, né en Grande-Bretagne mais qui a mené une grande partie de sa carrière en France, a légué à son public des spectacles uniques et devenus légendaires, comme "Le Songe d’une nuit d’été", "Le Mahabharata" ou "La Tempête".
Il était avec Constantin Stanislavski le metteur en scène le plus influent du 20e siècle, à qui l'on doit le théâtre tel qu'on le connaît aujourd'hui.
Révolution du jeu d'acteur
Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare, Peter Brooke est le théoricien de "l’espace vide", une conception de la scénographie en forme de retour à la source, avec un dispositif plus simplifié, épuré, en rupture avec les décors classiques.
"Je peux prendre n'importe quel espace vide et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que quelqu'un d'autre l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte théâtral soit amorcé": ces célèbres premières lignes deviendront un "manifeste" pour un théâtre alternatif et expérimental.
Le maître aux yeux bleus d'acier a ainsi réinventé l'art de la scène en dépassant les formes traditionnelles et en revenant aux fondamentaux: un acteur face à son public.
Les Bouffes du Nord comme port d'attache
Sa pièce la plus connue est "Le Mahabharata", épopée de neuf heures de la mythologie hindoue (1985), adaptée au cinéma en 1989.
Il l'a créée en France, où il s'est installé dès le début des années 1970 et où il fonde le "Centre international de recherche théâtrale", dans un théâtre à l'italienne sur le point d'être démoli, le Théâtre des Bouffes du Nord.
Né à Londres le 21 mars 1925, ce fils d'immigrés lituaniens juifs signe sa première mise en scène à 17 ans.
S'il rêve de cinéma, il se dirige rapidement vers le théâtre. A 20 ans, diplômé d'Oxford, il est déjà metteur en scène professionnel et, deux ans plus tard, ses productions à Stratford-upon-Avon, ville natale de Shakespeare, déchaînent les passions. A 30, il dirige déjà de gros succès à Broadway.
Pour la Royal Shakespeare Company (RSC), il met en scène de nombreux textes du "Barde", qui est pour lui "le filtre par lequel passe l'expérience de la vie".
Son "Marat/Sade" fascine Londres et New York et lui vaut un Tony Award en 1966.
Voyages inspirants
Mais à la fin des années 1960, après 40 succès théâtraux dans lesquels il a dirigé les plus grands, de Laurence Olivier à Orson Welles, Peter Brook affirme avoir "épuisé les possibilités du théâtre conventionnel" et entre dans une période expérimentale.
Pour beaucoup, sa surprenante production de "Songe d'une nuit d'été" (1970) pour la RSC dans un gymnase en forme de cube blanc a été un tournant. Elle pousse l'actrice Helen Mirren à abandonner ses débuts de carrière grand public pour rejoindre sa compagnie naissante à Paris où, dès le départ, il aspire à travailler avec des acteurs de différentes cultures.
En quête incessante d'authenticité, il part en Afrique, en Iran ou aux Etats-Unis et y mène des travaux expérimentaux axés sur le "déconditionnement" de l'acteur et le rapport au spectateur. Il rapporte de ses voyages des spectacles d'anthologie tels que "Les Iks" (1975), "La Conférence des oiseaux" (1979) ou "Le Mahabharata".
"Ce qui vit directement dans le présent"
Au fil des créations, ("Timon d'Athènes" (1974), "Mesure pour Mesure" (1978), "La Cerisaie" (1981), "La Tempête" (1990), "L'Homme qui" (1993), Hamlet (2000) ou "11 and 12" (2009), il se forge un style de plus en plus pur, et dépouillé.
En 1997, lorsqu'il triomphe au Royaume-Uni avec "Oh les beaux jours" de Samuel Beckett, les critiques le saluent comme "le meilleur metteur en scène que Londres n'a pas".
Après une aventure de plus de 35 ans aux Bouffes du Nord, Peter Brook quitte la direction du théâtre en 2010, à 85 ans, tout en continuant d'y monter des mises en scène.
"Toute ma vie, la seule chose qui a compté, et c'est pour cela que je travaille dans le théâtre, c'est ce qui vit directement dans le présent", exprime-t-il alors
Le charismatique metteur en scène a été ébranlé en 2015 par le décès de son épouse, la comédienne Natasha Parry. "On tente de négocier avec le destin en lui disant: 'Ramenez-la juste pour 30 secondes...'"
Opéras et films
Outre des pièces de théâtre, il a mis en scène plusieurs opéras comme "La Flûte enchantée" et réalisé une douzaine de films dont "Moderato Cantabile" (1960) et "Sa majesté des mouches" (1963), tous deux adaptés de romans.
Peter Brook a transmis sa passion du théâtre à ses deux enfants, la metteuse en scène de théâtre Irina Brook et le réalisateur Simon Brook.
agences/kkub