"Il y a certains textes qui véhiculent des propos qui ne sont plus acceptables dans la société d'aujourd'hui. (...) Il y a la nécessité de réinventer la façon de prendre les rôles existants", estime Ludmilla Reuse, la metteuse en scène de "Mafiosa", une pièce dans laquelle les stéréotypes de genre sont renversés.
La nouvelle génération de comédiennes et comédiens questionne et bouscule les représentations et les identités véhiculées au théâtre. "Si dans une pièce de Racine, il y a une réflexion misogyne ou raciste, on n'a plus envie de dire ces mots", déclare la comédienne Lou Golaz, jeudi dans le 19h30 de la RTS.
"Le théâtre n'est pas à l'écart"
Pour parler identité et représentations avec ses étudiants, la Haute Ecole romande des arts de la scène, La Manufacture, a organisé fin septembre un séminaire avec notamment la politiste et militante féministe antiraciste Françoise Vergès.
"L'Europe est devenue un endroit qui bouillonne sur ces questions. On peut tout à fait comprendre que ces jeunes ont envie de secouer le poids du patriarcat, du racisme... de transformer et interroger les textes classiques ou de jouer d'autres pièces", dit-elle.
Les questions d'identité, de diversité et de représentation ne sont pas propres au théâtre, rappelle le directeur de La Manufacture Frédéric Plazy. "Il s'agit d'un vaste mouvement qui embarque toutes les strates de la société. Et le théâtre n'est pas à l'écart."
Ces questions, "qui cristallisent beaucoup les positions et amènent à des postures un peu brutales", sont aussi des "matières à penser" dont "on peut faire des outils pour le performeur ou la performeuse".
Ne pas nier les débats contemporains
Selon lui, jouer les auteurs classiques reste "fondamental". "Toutefois, les traiter ou les aborder comme si les débats de société actuels n'existaient pas, ce serait une imposture par rapport au théâtre, note Frédéric Plazy. Car le théâtre s'est toujours emparé des systèmes d'oppression et de pouvoir pour les dénoncer."
Le directeur de La Manufacture comprend la réaction de certains élèves. "Jouer, ce n'est pas se nier soi-même. Quand on interprète quelqu'un ou un propos, on reste un être respirant, pensant, vivant."
Propos recueillis par Julie Evard et Philippe Revaz/vajo