Souvenir d'une interview dans un immeuble de bureaux new-yorkais à proximité de Time Square. De l'autre-côté du calepin, le rappeur et producteur Puff Daddy, alors au sommet de sa gloire. "- Quelle est votre recette pour obtenir un tube ? - Prenez un tube déjà existant. Les gens l'ont en mémoire et l’aiment déjà". Dans la réalité, ce n'est bien sûr pas aussi simple. Il ne suffit pas de sampler un bout de chanson de Police pour aussitôt gagner le sommet du hit-parade. Il y a comme qui dirait une certaine somme de travail, du savoir-faire et un flair pour capter l'air du temps.
C'est peut-être également ce qui explique le triomphe actuel de "Retour vers Hollywood", comédie musicale née à Servion, campagne vaudoise, laquelle attire loin à la ronde les foules en son théâtre Barnabé, formidable halle à spectacles entre la brasserie populaire, le cabaret aux champs et la machine à téléportation.
Vous y entrez et vous êtes illico ailleurs embarqué par le metteur en scène Noam Perakis et son formidable équipage. Vous voici dans votre western spaghetti préféré, au fond de la jungle avec vos amis/ennemis les dinosaures jurassiques, à bord du vaisseau Enterprise de "Star Wars" ou sur une bouche de métro au cœur du Manhattan de Marylin Monroe. En 1950, dans les années 1980, dans le futur ou dans la dystopie. "Retour vers Hollywood", ce sont une centaine de références à des tubes du cinéma américain. A peine repris à la mi-novembre, ce spectacle largement réécrit (une première version avait fait salle comble l’an passé) est déjà un tube.
Un festival de citations
"Retour vers Hollywood", ce sont douze tableaux et des dizaines de changements d'ambiance, de décors et de costumes. Des super-héros au romantisme en passant par l'horreur, l'action ou le noir et blanc. Ce sont des sketches en français, scènes de films mythiques, et des chansons en anglais, BO tout aussi mythiques.
C'est aussi et surtout une formidable manière d'accommoder sur un même plateau toute une cinématographie dans un joyeux et très rythmé festival de citations. Ainsi, la bande de l'élève magicien Harry Potter ne cesse de s'embrouiller avec la Communauté de l'anneau chère à Tolkien. Et la salle de bains hitchcockienne de "Psychose" devient quasi hall de gare pour tous les personnages tordus, malfaisants et plus ou moins effrayants des séries B et Z du cinéma d'horreur.
Du divertissement malin
Au-dessus de la scène du Théâtre Barnabé, un orchestre de neuf musiciens rythme ce ballet de quatorze interprètes au taquet (chant, danse, comédie, acrobatie), d'accessoires épatants (du chasseur américain à l'engin volant de "Star Wars" en passant par un T-Rex et la Delorean blanche de "Retour vers le futur". N'oublions pas les projections vidéos bluffantes qui nous font basculer du pont d'un porte-avion au désert du Colorado en passant par Poudlard.
En tout une cinquantaine de personnes ont œuvré pour la bonne marche de cette comédie musicale d'une ambition et d'une qualité rare dans ce pays. On vous parlait d'une machine à téléporter: Servion vous catapulte à Broadway deux petites heures durant.
Le petit plus: un sens consommé du second degré et de l'auto-ironie. Oui, l'Indien du western se fera tirer dessus - forcément - par un Kevin Clint Wayne de service. Pas comme le veut la tradition virile et wasp du western classique qui élimine toute trace indigène du paysage en cinémascope. Mais parce que dans "Retour vers Hollywood", on n'aime pas… les comédiens qui font de l'appropriation culturelle. Du divertissement malin qui fait du bien.
Thierry Sartoretti/ld
"Retour vers Hollywood", Café-Théâtre Barnabé, Servion (VD), jusqu'en février 2023.