Merveilleux Valais qui n’a besoin de personne d’autre que lui-même pour rire, moquer, persifler, brocarder ou provoquer. Pas de sujet romand, confédéral ou international dans "Ma revue à nous" millésime 2022. Pas de blagues sur les frontaliers avec leur inévitable côté xénophobe. Pas d’accent plus ou moins exotique de pacotille flirtant forcément avec les limites en matière de xénophobie ou de racisme voire d’appropriation culturelle.
Ici, on rit de Saint-Gingolph à Obergoms et ça offre largement assez de sujets pour ne pas aller butiner sur les pâturages des voisins. En plus, l’avantage d’un canton bilingue, c’est que l’on est à la fois romand et alémanique. Ajoutez le patois, vous comptez une langue latine de plus. Chanceux Valais.
Une férocité gourmande
Voici donc Frédéric Recrosio, Valaisan, à qui son exil à temps partiel en proche terre vaudoise offre une légère distance, histoire de mieux survoler l’actualité écoulée. Douze mois pour treize étoiles. Plus des épisodes délicieux de lecture de futurs numéros (pas toujours si) dystopiques du Nouvelliste, champion de la presse régionale avec le Walliser Bote. Un fauteuil fétiche pour feuilleter le quotidien, un écran pour apporter quelques témoignages, documentaires et autres "preuves" des blagues acides de l’humoriste, un vélo d’appartement pour parer aux pannes d’électricité et c’est bon.
"Ma revue à nous", sixième du genre, est un seul en scène, mené avec la complicité de la metteuse en scène Sylvia Fardel. On y compte un grand reportage sur la commune de Savièse, des blagues pas piquées des hannetons sur les villages de Chermignon, Evolène ou encore Isérables. Pas besoin d’avoir grandi au pied du Christ de Lens pour comprendre les blagues. Cette férocité gourmande ne nécessite aucune traduction, pas même contextuelle, et le public présent rit d’autant plus qu’il sait qu’à la prochaine édition, les flèches piqueront le blason d’une autre commune.
Au pied de l’Evêché de Sion où se dresse le vénérable Théâtre de Valère, on rit de la religion, de la Patrouille des glaciers, de la raclette, des abricots, de la brisolée et bien sûr des politiques. Il semblerait que ce dernier sujet n’ait même pas besoin de Frédéric Recrosio pour provoquer des rires. Il suffit de les laisser parler et de les montrer dans leurs exercices de communication. Iels sont bien assez drôles.
Thierry Sartoretti/aq
"Ma revue à nous", au Spot, Sion, jusqu’au 17 décembre; Au Crochetan, Monthey, du 21 au 23 décembre; Au Baladin, Savièse, les 27 et 28 décembre 2022.