Malgré son âge qu'il ne fait pas, Emil Steinberger monte encore sur scène. Ce n'est que début novembre qu'il a achevé la tournée de son dernier programme en date, "Emil schnädered" ("Emil jacasse"). Honoré en septembre pour l'ensemble de son œuvre lors des Swiss Comedy Awards, il soulignait alors à quel point le rire est bon pour la santé. Il suffit de l'observer pour s'en persuader.
Le Lucernois est également présent sur la scène virtuelle. Dans un montage photographique du récent match de la Coupe du monde de football Brésil-Suisse publié sur Twitter, on le découvre en buteur rieur.
"Je vais bien", confie Emil Steinberger à Keystone-ATS juste avant son anniversaire. "Il m'est important de continuer à exprimer ma fibre créatrice et à réaliser de nouvelles idées malgré mes 90 ans."
Emil et l'Ukraine
L'humoriste a montré qu'il pouvait aussi être sérieux, après l'invasion russe en Ukraine, lorsqu'il a signé en avril avec plus de 100 acteurs culturels suisses une lettre ouverte au Conseil fédéral. Ils y demandaient une "action résolue contre le financement de la guerre par la Suisse".
Les déclarations politiques ne montent toutefois pas sur scène avec lui. Elles font partie de l'"Emil privé", précise-t-il lors d'un récent entretien avec la télévision alémanique SRF.
De fonctionnaire à graphiste
Emil Steinberger a découvert son amour pour la scène alors qu'il travaillait encore aux PTT. Il faisait alors partie d'une troupe de théâtre. En 1960, au grand dam de ses parents, il abandonne la sécurité de son emploi pour devenir graphiste.
"Emil" joue dans des ensembles de cabarettistes comme le "Güggürüggüü" ("Cocorico"). Puis suivent les premiers programmes en solo, encore écrits par son camarade d'école Armin Beeler et marqués par la politique locale: "Emil und die 40 Räuber" ("Emil et les 40 voleurs"), "Emils Neid-Club" ("Club envieux d'Emil", jeu de mots avec l'anglais "nightclub") et "Onkel Emils Hütte" ("La case de l'oncle Emil").
Le Lucernois joue alors dans la salle à manger d'un hôtel - il n'y avait pas de maison pour les petites scènes à Lucerne jusqu'à ce qu'il fonde en 1967 le "Kleintheater", qui existe encore aujourd'hui. Sa première épouse, Maya, dirige la maison, dans laquelle se produisent également des stars internationales comme le clown Charlie Rivel ou l'acteur Gert Fröbe.
Succès romand
"Emil" existait sur disque, à la radio, à la télévision - et lors de fêtes de famille, lorsque des jeunes rejouaient un sketch populaire. En 1977, "Emil" fait une tournée en Suisse avec le cirque Knie. Il se produit alors aussi en Allemagne, y force son accent alémanique, et en Suisse romande, en parlant le "français fédéral". Il enchaîne plusieurs tournées à succès en Romandie.
Mais Emil Steinberger n'est pas seulement un cabarettiste. En tant qu'acteur, il joue en 1978 dans les "Faiseurs de Suisses" de Rolf Lyssy, l'un des films suisses les plus populaires. A Lucerne, il est également entrepreneur culturel: outre le "Kleintheater", il a fondé le cinéma "Atelier" et géré le cinéma "Moderne". Il possède en outre son propre bureau de graphiste.
Une pause et un nouveau départ
En 1987, le Lucernois met une première fois un terme à sa carrière à 54 ans, le succès et la notoriété ayant fini par l'étouffer. Il divorce de sa première femme, puis part, en 1993, vivre à New York, où il rencontre et épouse l'Allemande Niccel Kristuf. En 1999, Emil et Niccel Steinberger s'installent à Montreux durant 15 ans, puis à Bâle depuis 2014. Surtout, l'humoriste remonte sur scène avec succès, soutenu par son épouse, devenue aussi son manager.
Il a joué "Drei Engel" ("Trois anges") 900 fois en 15 ans à partir de 1999, offert "Lachzig" (jeu de mots entre les termes "rire" en le chiffre 80) à son public à l'occasion de son 80e anniversaire. Puis ont suivi "Emil - No einisch" ("Emil - encore une"), "Alles Emil, oder ?!" ("Complètement Emil ou bien?!") et "Emil schnädered" ("Emil jacasse").
ats/br