Avec "Edmée", le théâtre de boulevard s'éclate à la ferme

Ça caquette sec dans le poulailler et les portes claquent du côté de la grange. Dans cette ferme romande, rien ne va plus. Venue de la ville, la plantureuse et désargentée Edmée a épousé le vieux paysan Léon dans le seul espoir d'hériter un jour du magot de la tante Léonie. La tante affichant la belle santé d'une peau de vache, Edmée décide de donner un coup de poison à son destin avec la complicité de son valet de ferme et amant occasionnel Théodore.

"Edmée", c'est un vaudeville dans le fumier, Arsenic et vieilles salopettes, le désamour à la ferme. On y trompe, on y assassine et on s'y bidonne, car tout ça n'est que du théâtre.

Un classique de l'humour

En 1950, "Edmée" fait un carton au Théâtre de Poche. La pièce de Pierre-Aristide Bréal se joue une centaine de fois dans la vieille ville genevoise avant d'aller tenter sa chance à Londres et en tournée. Un triomphe tombé dans les oubliettes de l'histoire. Au Poche, qui fête ses 75 ans, le directeur Mathieu Bertholet a décidé d'exhumer cette pièce de boulevard dans le cadre de sa série consacrée aux classiques de l'humour. Le Poche a remixé Feydeau, puis le culte "Le Père Noël est une ordure" et propose aujourd'hui une version 2023 de cette fameuse "Edmée".

Une version de la pétroleuse "Edmée", pas l'original. La mission du Poche, c'est l'écriture contemporaine, les textes neufs, inédits, venus de plumes bien vivantes. Voici donc "Edmée" téléportée de sa ferme bretonne dans la version originale à un rural qui fleure bon la Gruyère ou le Gros de Vaud. Le valet est désormais un saisonnier polonais. Et Léon le radin truque les certifications bio tout en trichant sur les comptes. A la réécriture, Antoinette Rychner, autrice romande, dramaturge, habituée du théâtre comme des campagnes (on se souvient avec plaisir de son récit "Devenir pré").

Second degré et kitsch

De l'original restent deux actes sur trois, une intrigue menée au trot, quelques savoureuses répliques au ton suranné. Le nouveau texte catapulte l'intrigue à la fin du 21e siècle où l'on insémine à tout va, qu'il s'agisse de vaches ou d'héritières à deux pattes. Survoltée, la mise en scène du duo Florence Minder & Julien Jaillot joue à fond la carte du second degré et du kitsch avec un côté Heidi Gore des Alpes.

"Edmée" est une farce, une grosse farce. Du cabaret en bottes de caoutchouc avec une troupe du Poche (Léonard Betholet, Valeria Bertolotto, Jeanne de Mont et Aurélien Gschwind) qui troque culottes et pantalons, flingues et accents tocs, références au film d'horreur, telenovelas brésilienne et autres séries B de Russ Meyer. Derrière le rire, pointe tout de même une réalité: pas facile d'être l'épouse du patron de la ferme. Edmée a bien du mérite à vouloir améliorer sa future retraite.

Thierry Sartoretti/ld

"Edmée" à voir au théâtre Le Poche à Genève jusqu'au 5 février 2023.