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"West Side Story", la reine des comédies musicales de retour à Lausanne

Melanie Sierra et Jason Webster, alias Maria et Tony dans "West Side Story" en 2022. [Keystone - Peter Kneffel]
West Side Story, du neuf à lʹancienne / Vertigo / 6 min. / le 13 février 2023
Présentée du 21 février au 5 mars au Palais de Beaulieu à Lausanne, cette nouvelle production de "West Side Story" renoue avec l'original de 1957. Avec une distribution américaine, les chorégraphies de Jérome Robbins et un grand orchestre au diapason de la musique originale de Leonard Bernstein.

"America", "Maria", "Cool", "Something's coming"… ces airs sont des tubes, des classiques absolus de la comédie musicale. En transposant l'histoire de Roméo et Juliette dans les rues de New York, "West Side Story" est devenue, dès sa création en 1957, l'une des comédies musicales les plus emblématiques de Broadway. Ce drame triomphe également à Hollywood avec une inoubliable Natalie Wood en 1961.

Depuis, "West Side Story" n'a quasi jamais quitté la scène, régulièrement reprise et tournée dans le monde entier, à nouveau portée à l'écran en 2021 par Steven Spielberg. Dès le 21 février, le Palais de Beaulieu à Lausanne accueille une nouvelle version. Ce "West Side Story", sous-titré "Two gangs, one love" est tout frais: sa première remonte à décembre dernier dans un théâtre munichois. Sa particularité: boucler la boucle en ressemblant à l'original de 1957.

On rappelle l'histoire: Tony et Maria se rencontrent par hasard dans un bal et c'est le coup de foudre mutuel. Le hic: lui est blanc, lointain descendant d'immigré polonais, elle portoricaine, fraîchement arrivée de son île caraïbe à Manhattan. Dans ce quartier de l'Upper West Side, les gangs Jets et Sharks, blancs versus Portoricains, s'affrontent pour la possession d'un bout de trottoir et surtout le droit d'exister dans cette Amérique formée de vagues successives d'immigrations.

L'amour ne va pas triompher dans ce drame. Certes, "West Side Story" est moins tragique que la pièce de Shakespeare, mais la paix entre communautés coûtera tout de même deux vies.

Une distribution 100% américaine

Que vaut cette énième version de "West Side Story"? 5 étoiles du point de vue musical et chorégraphique. Avec dans la fosse, un orchestre de vingt musiciennes et musiciens venus d'Espagne, parfaitement dans l'esprit de la musique de Leonard Bernstein, entre arrangements classiques, swing jazz et rythmes latinos. Sur le plateau, une jeune distribution 100% américaine avec une trentaine d'artistes engagés à New York pour incarner les gangs rivaux et les quelques adultes qui tentent plus ou moins honnêtement de juguler cette vendetta.

Tony a les yeux bleus et la voix puissante de Jadon Webster. Et belle surprise, Maria, alias Melanie Sierra, est d'origine portoricaine et portugaise, formée au chant classique comme à la comédie musicale. Un couple de conte de fée convaincant.

En coulisses, la production est germano-américaine, menée artistiquement par le New-Yorkais Lonny Price, un cador du genre, directeur de nombreuses comédies montées à Broadway et lui-même acteur à la scène comme au cinéma, notamment dans le cultissime "Dirty Dancing".

Un point important pour le public non-anglophone: ce "West Side Story" se parle et se chante en anglais, avec présence de sous-titres.

Une photo du spectacle "West Side Story". [DR - Johan Persson]
Une photo du spectacle "West Side Story". [DR - Johan Persson]

Fermez les yeux: vous êtes à Broadway en 1957

Fermez les yeux et vous êtes à Broadway en 1957. Ouvrez les yeux et vous restez à Broadway pile à la même époque. Ce "West Side Story" a choisi de remonter le temps. Chorégraphie originale de Jérome Robbins respectée à la lettre. Décors de rues new-yorkaises très 50's avec leurs escaliers de secours et ce petit diner de quartier où se réunissent les Jets. De même, les costumes fleurent bon les années rock'n'roll et mambo selon les affinités.

New York a changé depuis la première de "West Side Story". Les codes du théâtre et de la Comédie musicale aussi. Cette version s'en moque, préférant, selon les propos de Tony, alias Jadon Webster, "redonner un souffle de vie à l'original". Fans du film de Robert Wise et Jérome Robbins, vous serez chez vous.

Une photo du spectacle "West Side Story". [DR - Johan Persson]
Une photo du spectacle "West Side Story". [DR - Johan Persson]

Et si vous préférez les surprises, il aurait fallu vous rendre à Broadway en 2020 pour découvrir une version torpillée par la pandémie de covid: le metteur en scène de théâtre Ivo Van Hove y présentait un "West Side Story" revisité par la chorégraphe contemporaine belge Anne Teresa de Keersmaeker. Les chansons signées Bernstein & Sondheim y furent remplacées par des thèmes plus hip-hop à l'heure où les morts par armes à feu sont devenus, comme le rappelle Maria, alias Melanie Sierra, le quotidien de l'Amérique urbaine.

En ce sens-là, "West Side Story" reste tragiquement d'actualité, quel que soit le parti pris de mise en scène. Quand bien même l'Upper West Side new-yorkais, quartier du Metropolitan Opera, est aujourd'hui bien trop cher pour abriter des jeunes immigrés attirés par le rêve de cette America.

Thierry Sartoretti/ld

Lausanne, Palais de Beaulieu, du 21 février au 5 mars 2023

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Une story de l'Est, passée à l'Ouest

Dans la version finale de 1957 présentée au Winter Garden de Broadway, les gangs rivaux des Jets et des Sharks se battent dans les rues de l'Upper West Side, à Manhattan. Les premiers sont d'origine européenne, descendants d'immigrés irlandais, polonais ou baltes alors que les seconds sont Portoricains, migrants de la première génération.

Vers 1949, le librettiste Arthur Laurents avait imaginé un autre scénario suggéré par le chorégraphe Jérôme Robbins: baptisée "East Side Story", l'histoire se passait dans le Lower East Side new-yorkais, opposant un gang juif (Les Emeralds) et une bande d'Italo-américains catholiques, les Jets. Ce conflit à caractère antisémite étant déjà couvert par un autre spectacle ("Abie's Irish Rose"), Laurents abandonne l'idée.

Un séjour à Hollywood plus tard, l’histoire se réinvente à Los Angeles avec une rivalité entre jeunes blancs et chicanos mexicains. L'équipe du projet (outre Robbins et Laurents, le compositeur Leonard Bernstein et le parolier Stephen Sondheim) a cependant plus d'affinités avec les musiques types mambo chères au jazz new-yorkais.

La Côte Ouest californienne devient West Side new-yorkais. Et Tony sera finalement le diminutif Anton, polonais d'origine. Maria, de juive devient catholique à son tour. Tout de même, en 1957, c'est une Carol Lawrence, née Carolina Maria Laraia, qui joue le rôle de Maria. Portoricaine? Plutôt née dans l'Illinois de parents originaire de Potenza dans la Basilicate italienne. Les voies de Broadway sont un formidable meli melo.