En quatre décennies, "Starmania", cette œuvre futuriste et politique, a réuni plus de six millions de spectateurs. Les aventures de Ziggy, Johnny Rockfort, Marie-Jeanne la serveuse automate et leur cohorte de tubes incontournables ("Les uns contre les autres", "SOS d’un terrien en détresse", "Quand on arrive en ville", "Le blues du businessman", "Le monde est stone", "Besoin d’amour"…) demeurent d'une modernité étonnante.
Pour donner corps à une nouvelle version de cet opéra rock, présenté en automne dernier à la Seine musicale à Paris et dont la tournée passe par Genève du 9 au 12 mars, Luc Plamondon et les descendants de France Gall et Michel Berger ont choisi Thomas Jolly, le metteur en scène français, futur directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques d'été 2024 à Paris, ainsi que le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, également directeur des ballets du Grand Théâtre de Genève.
"Starmania est une oeuvre mythique car elle a révolutionné, voire inventé le genre du spectacle musical, en tout cas en France. J'ai toujours trouvé que c'était une des oeuvres musicales les plus hybrides, alternatives et politiques", explique à la RTS Thomas Jolly.
Le monde de 2023
Crise climatique, terrorisme, populisme, questions de genres, omniprésence des médias, "Starmania" contenait déjà lors de sa création tous les ingrédients du monde de 2023. "C'est une oeuvre sidérante d'actualité, confirme Thomas Jolly. C'était une dystopie en 1979, c'est à dire une projection anxiogène du futur, mais force est de constater que le réel a rattrapé la fiction. Luc Plamondon, s'il n'est pas un voyageur du temps, est au moins un visionnaire, voire un prophète. La grande qualité des poètes comme lui est d'avoir capté, à son époque en tout cas, ce qui fera et fait notre présent."
La mélancolie, la vacuité, le manque de sens à son existence, la solitude, l'ennui sont des thématiques très présentes dans cet opéra rock qui touche un large public. "'Starmania' ne fait que parler de notre anxiété du futur. Comme l'oeuvre interroge le futur de la planète et des êtres humains qui s'y trouvent, je dis souvent que tant qu'il y aura une planète et des êtres humains dessus, 'Starmania' continuera de parler au coeur des gens", souligne Thomas Jolly.
Une suite de tubes
La force de "Starmania", ce sont aussi ses chansons, cette suite de tubes qui ont une vie propre. Là aussi, nul besoin de dépoussiérage: "Nous avons changé deux lignes, celles qui traitaient de l'an 2000, et remanié une chanson très peu connue qui est le générique de la fameuse émission où l'on peut devenir star, confie le metteur en scène. On entonne 'Starmania' un peu partout mais peu de gens connaissent le contexte narratif dans lequel ces chansons s'inscrivent. Mon travail, avec Luc Plamondon, a été justement de rebâtir le livret, de reprendre des chansons et des personnages de la version originale qui avaient disparu et de redonner un écrin narratif à toutes ces chansons de légende."
La nouvelle troupe recrutée pour l'occasion n'aura pas la tâche facile. Car les chansons de "Starmania" sont exigeantes, vocalement parlant. "Il faut des gens possédant une technique vocale impressionnante d'abord, des timbres vocaux très singuliers ensuite. Ainsi que la bonne énergie. Je suis très admiratif de cette nouvelle troupe qui reprend l'oeuvre et la met à sa juste valeur", conclut Thomas Jolly.
Propos recueillis par Yann Amedro
Adaptation web: Melissa Härtel
"Starmania", Arena de Genève, du 9 au 12 mars 2023.