On sonne à la porte. C’est le couillon. Monsieur Duchêne sert d’alibi pour les incartades de son soi-disant meilleur ami. Et voilà que ça sonne à nouveau! Au tour du cocu enragé de franchir le palier fusil de chasse à la main. L’excuse de la partie d’échecs à l’autre bout de la ville ne va pas tenir longtemps. L’épouse du meilleur ami va bientôt débarquer à son tour, sans oublier le cousin farfelu avec son pendule et ses improbables dons de guérisseur. Bienvenue dans "La mécanique du pétrin", vaudeville superlatif imaginé par la Compagnie Slalom.
Superlatif? "La mécanique du pétrin", c’est tout le répertoire de Georges Feydeau (1862-1921) passé à la moulinette. Feydeau? Il est le maître absolu du vaudeville, l’auteur de "La puce à l’oreille", "On purge bébé" ou encore "Un fil à la patte", autant de pièces de théâtres largement centenaires au pouvoir comique rarement égalé.
Un spectacle "à la manière de"
Dans la longue liste des œuvres du grand Georges, vous ne trouverez pas "La mécanique du pétrin". Dans ce spectacle millésimé 2023, tout ce que nous découvrons, entendons, voyons, est improvisé. Donc chaque soir est différent et chaque représentation plus improbable et hilarante.
L’improvisation, c’est la spécialité de la Compagnie Slalom, une belle brochette de bonimenteurs et bonimenteuses qui s’étaient déjà frottés au répertoire de Molière. Leurs noms: Paul Berrocal, Boris Degex, Anna Krenger, Matteo Prandi et Florence Wavre. D’autres soirs, ils sont rejoints ou remplacés par Mélanie Foulon, Alain Ghinringhelli, Adrien Mani, Melody Pointet et Alexis Rime.
A toute berzingue
Comment fonctionne cette mécanique? Au début, le décor est en vrac sur scène. Un vrai bric-à-brac de fauteuils, lampes, bouteilles et coupes de champagne, cheminée, tapis, vases, vêtements, bibelots et autres plantes vertes. Seul élément fixe: la porte et sa sonnette. La troupe range ce bazar à toute berzingue le temps d’une brève chanson. La dernière personne qui se retrouve avec un objet dans les mains doit commencer le premier acte et inventer son personnage. Au public d’élire le personnage qui débutera les actes suivants et à ce dernier de lancer l’action selon son bon plaisir.
Que raconte "La mécanique du pétrin"? Où va-t-on? Qui est qui? Personne ne le sait, pas même la troupe et n’allez pas croire que cette histoire de double cocu [c’était le cas le soir où l’auteur de cette chronique a vu ce pétrin se faire pétrir à la Maison de quartier de Chailly] est sans queue ni tête. La compagnie Slalom mérite son nom et ne rate jamais une porte. Surtout si elle claque.
Thierry Sartoretti/sc
Théâtre Douze Dix-Huit, Grand-Saconnex (GE), du 16 au 18 mars; Théâtre Waouw, Aigle, du 24 au 26 mars.