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"Apepipopup!", une photo de classe devenue spectacle

La classe de Pierre-Isaïe Duc à Chermignon dans les années 1970. [DR]
Apepipopup! / Vertigo / 5 min. / le 24 avril 2023
Au Théâtre des Halles à Sierre, le comédien valaisan Pierre-Isaïe Duc raconte en scène sa classe: les 27 enfants de la régente Monique. "Apepipopup!", c'est la mémoire de Chermignon devenue spectacle, un confessionnal théâtral où l'on parle enfance, rêves, torgnoles, amour, vie et mort. Magnifique.

Ce matin-là, maman lui a dit de porter son pull rouge. Pour qu'on le remarque tout de suite sur la photo de classe. Nous sommes en 1971, sur le préau de l'école de Chermignon, et plus d'une maman a donné le même conseil à son enfant. Le rouge domine nettement chez les 27 élèves de la régente Monique. Régente? Autrefois, en Valais, c'est ainsi que l'on nommait les maîtresses d'école.

Pierre-Isaïe Duc, deuxième rang, quatrième à partir de la gauche, est devenu comédien. Un sacré bon comédien même. Il a pratiqué son métier à Paris, aidé ses parents qui tenaient le bistrot du bas, joué sur scène et à l'écran, petit ou grand, et s'est finalement établi à Genève. La plupart des autres sont restés sur la commune ou dans la vallée du Rhône à proximité. Miracle, toutes et tous sont encore de ce monde. Pierre-Isaïe Duc les a rencontrés et interviewés, longuement, jusqu'à se retrouver avec 45 heures d'enregistrement. La mémoire d'une génération et d'un village. Une tranche de Chermignon.

Pierre-Isaïe Duc raconte l'enfance, l'école, les parents

Ces paroles recueillies sont devenues spectacle, "poésie d'une photo de classe" avec le titre assez crypté de "Apepipopup!". Seul en scène, Pierre-Isaïe Duc raconte l'enfance, l'école, les parents, les torgnoles, la mort, la sexualité, le temps qui passe, les regrets comme les emmerdes. Késako cet "Apepipopup!"? C’était le syllabaire de la classe qui permettait aux petits Chermignonards d'apprendre leurs trois premiers mots de français pour entrer pleinement en société: Papa, pipe, pape (sic). Une autre époque.

Sur scène, autour de Pierre-Isaïe Duc, il y a un petit pupitre en bois, un pré fleuri qui se mélange avec un cimetière, une forêt soudain bien inquiétante dès que le brouillard s'emmêle. Et surtout, il y a ce que l'on ne voit pas: la mémoire et ce patrimoine immatériel qu'on peut aussi résumer avec des mots simples: camaraderie, amitié, amour.

Le comédien valaisan Pierre-Isaïe Duc dans "Apepipopup!". [Théâtre des Halles à Sierre - Florence Zufferey]
Le comédien valaisan Pierre-Isaïe Duc dans "Apepipopup!". [Théâtre des Halles à Sierre - Florence Zufferey]

Fin d'une trilogie villageoise

"Apepipopup!" clôt de formidable manière une trilogie villageoise débutée avec "Le chant du bouquetin" et poursuivie par "Le pré ou le poème des skilistiks". Dans ces spectacles, on a parlé politique, fanfares, famille, argent, pauvreté & richesse, bétonnage des montagnes. C'est à la fois documenté et libre, micro-local et parfaitement universel, drôle et remuant, léger et profond.

Au Théâtre des Halles, à Sierre, "Apepipopup!" va être joué dix-huit fois. Une durée rare et un pari. Ne ratez pas ce rendez-vous, vous ne serez pas déçus.

Thierry Sartoretti/olhor

"Apepipopup!", Théâtre des Halles, Sierre, jusqu'au 21 mai 2023.

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