Il y aurait donc tant de brouillard à Yverdon-les-Bains? On imagine sa gare dans un smog shakespearien alors que croassent des nuées de corbeaux alentours. Le mythe a la vie dure. Lors de la dernière expo nationale, en 2002, la ville en avait ri, invitant le public à vivre l’expérience d’une balade dans un nuage artificiel.
Compagnie associée au Théâtre Benno Besson, Kokodyniack a décidé de se plonger dans cette fameuse brume yverdonnoise qui fait tant ricaner les humoristes. Débutée l’an passé, leur trilogie "A travers le brouillard" se boucle avec la pièce "Dédale", laquelle fait suite à "Crépuscule" et "Vibrations".
Une quête du réel
Mais de quel brouillard parle-t-on au juste chez Kokodyniack? Oubliez la météo du Nord Vaudois, il est ici question de brumes intérieures. Jean-Baptiste Roybon, co-metteur en scène de la compagnie, l'explique à la RTS: "Un spectateur qui sortait d’une de nos précédentes créations m’avait dit que si nous cherchions des pistes pour parler de brouillard, il en avait une bonne: il était en train de perdre la vue. "
Et c’est ainsi que "Crépuscule" a parlé de malvoyance, "Vibrations" de surdité et "Dédale" de la perte de repères due à la maladie d’Alzheimer.
Oralité, mouvement, musique
Pour aborder ses sujets, la Compagnie Kokodyniack travaille avec la rigueur des documentaristes. Il s’agit d’abord de recueillir un témoignage. Ce dernier est fidèlement retranscrit à l’hésitation et la respiration près. Un souffle ou un sifflement léger avant une phrase sont autant d’indications d’un ton, d’un état d’esprit qu’il s’agit de respecter et préserver. La parole est ensuite portée par un comédien ou une comédienne (Basile Lambert ou Aline Papin selon les épisodes).
De la musique (le pianiste Alexis Gfeller dans "Dédale"), de la danse (Elodie Aubonnet, par ailleurs formée en langage des signées, dans "Vibrations" et "Dédale") et de la vidéo (Jérôme Verney) viennent offrir des éclairages ou des respirations à ce témoignage. Par le passé, la méthode avait donné "Mon petit pays", un spectacle fort sur le placement forcé d’enfants en Suisse.
Dans "Dédale" mis en scène par le duo Jean-Baptiste Roybon & Véronique Doleyres, on suit, on se perd et on se retrouve avec un certain Aloys à la recherche de ses souvenirs à travers les sons et les mouvements.
Thierry Sartoretti/sc
"Dédale", Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains, jusqu’au 12 mai 2023.