Il ne nous raconte pas d’histoires, ce spectacle. Alors, il se danse et puis c’est tout? C’est beaucoup plus: il débute sur une vaste page blanche aux quatre coins relevés, promesse d’un récit qui va s’écrire sous nos yeux avec quatre interprètes en guise de plumes, de la calligraphie tout autant que de la chorégraphie.
Efeu se prononce comme éfeuille. En allemand, langue maternelle du chorégraphe soleurois Thomas Hauert, efeu, signifie le lierre. A la fois léger et grimpant, ce végétal a besoin d’autrui pour prendre toute sa mesure. Pas de lierre sans tronc, sans branches ou sans mur. On ajoutera: pas d’efeu sans amour. Un amour de l’équilibre, de la légèreté et d’une rare inventivité à trouver des mouvements du corps qui semblent exister pour la première fois.
Des chorégraphies fluides et animales
Voici 25 ans que la compagnie Zoo de Thomas Hauert a posé ses valises à Bruxelles et recherché un langage du corps qui soit le sien. Une partie de la compagnie a dansé naguère chez la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et son célèbre "Rosas danst Rosas" avant de rechercher une langue libérée des chemins habituels de la danse contemporaine.
Tout n’a-t-il pas déjà été imaginé et dansé? Après tout un corps est un corps: avec ses deux jambes, ses deux bras, son squelette et sa musculature… Et bien non. Aujourd’hui, les chorégraphies de Thomas Hauert et ses complices atteignent un degré de fluidité et de naturel qui n’appartiennent qu’à elles et eux. Il y a un esprit d’oiseau ou de félin dans ces mouvements-là. Lequel? On pourrait vous citer toute l’arche de Noé.
ZOO/Thomas Hauert_Efeu _2022_trailer (v2) from ZOO/Thomas Hauert on Vimeo.
Un spectacle à chaque fois différent
"Efeu" s’ouvre et se termine à deux, avec des danses de couple. Deux instants de plaisir pur de la danse sur la musique de "Senza fine" chantée par Ornella Vanoni & Lucio Dalla, et la soul solaire de Marvin Gaye et son "Mercy Mercy Me". Entre les deux, danseuses et danseurs se cherchent, se tournent autour, se trouvent, s’assemblent et se séparent sur les tonalités plus inquiétantes du compositeur polonais contemporain Penderecki ou d’une forêt alpine bruissant de chants.
On a comparé ces interprètes à des murmurations de migrateurs ou des bancs de poissons guidés par l’énergie du groupe. Il y a de cela et bien d’autres choses encore.
Sur la scène de l’ADC, le spectacle est chaque soir différent. Pour cette étape genevoise, ils et elles sont cinq à se partager quatre rôles et duos. D’une représentation à l’autre, les rôles s’échangent, toujours avec la même fluidité, et ce même plaisir du mouvement. Leurs noms: Fabian Barba, Thomas Hauert, Sarah Ludi, Federica Porello et Samantha Van Wissem. Ne manquez pas ces oiseaux de passage.
Thierry Sartoretti/sc
>"Efeu", Pavillon ADC, Genève, jusqu'au 26 mai 2023