Increvable, imperturbable. Une balle logée dans le crâne, elle pardonne à son agresseur et poursuit ses conférences, ses meetings de soutien, sa mission d’éducation libertaire. Elle connaît la mitraille des barricades durant la Commune de Paris, la déportation en Nouvelle-Calédonie, la prison à maintes reprises en France et ailleurs, elle ne dévie pas d’un pouce.
Une vie pour la cause
Louise Michel, "Wonder Woman" du XIXe siècle, égérie de la révolution, militante de l’éducation et drapeau (noir) des causes sociales. 1830-1905, une vie entière consacrée à la cause anarchiste et à la défense des opprimés et opprimées. Difficile de trouver à l’époque un destin plus XXL que celui de cette fille de servante dont l’éducation fut un formidable marchepied vers l’émancipation.
Victor Hugo l’estimait, George Clemenceau l’admirait, la police française n’a cessé de la surveiller. Louise Michel a toujours été un personnage, une figure, un archétype. Pas surprenant de la trouver aujourd'hui sur une scène de théâtre ou dans un récit. Côté livresque, Judith Perrignon lui consacre "Notre guerre civile" (Grasset) paru en mai dernier. Côté scène, Charlotte Filou l’incarne avec toute son énergie dans "Louise", à découvrir au Théâtre des amis à Carouge.
Son manteau noir élimé, son regard fier
"Louise", c’est un presque seule en scène. De noir vêtu, un peu procureur, un peu stentor maudit, le comédien José Lillo commente l’histoire, accuse parfois. Dressée sur un plot, on ne voit pourtant qu’elle, Charlotte Filou. Le regard est fier, le verbe haut, le sourire conquérant. Dans son manteau noir élimé, elle est Louise Michel, racontant sa vie et surtout ses combats en partie à travers ses propres mots. On la savait communarde, anarchiste, on la découvre aussi féministe, anticolonialiste, prompte à défendre la cause des Canaques et des Algériens qu’elle a rencontrés en déportation.
"Louise", le spectacle, n’est pas révolutionnaire dans sa forme (très sobre et classique dans sa mise en scène avec une simple toile imprimée de textes pour décor), mais dans son ton. Difficile de ne pas avoir envie de monter aux barricades en écoutant le verbe fougueux de la comédienne.
Quelques piques tentent des parallèles entre la France de Napoléon III et celle du président Macron. Et soufflent ainsi sur les braises de cette révolution qui reste, 152 ans après la Commune de Paris et près de 234 étés après la prise de la Bastille, cet éternel marqueur des luttes politiques françaises.
Thierry Sartoretti/mh
"Louise", Théâtre des amis, Carouge (GE), jusqu'au 25 juin 2023.