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Avec "L'oeil nu", la Lausannoise Maud Blandel propose une danse astrale

Une photo du spectacle "L'œil nu" de Maud Blandel. [Festival Avignon - Margaux Vendassi et Camille D. Tonnerre]
"Lʹœil nu" et dansé de Maud Blandel / Vertigo / 6 min. / le 7 juillet 2023
Au Festival d’Avignon dans la Sélection SCH, jusqu’au 16 juillet, puis au Festival de la Bâtie à Genève du 1er au 4 septembre, la chorégraphe lausannoise Maud Blandel imagine un rapprochement entre la fin d’une étoile et la mort de son père. Vertigineux et intense.

"On ne peut voir dans le ciel que ce qu'on est préparé à voir". La phrase vaut pour l’observation des confins interstellaires. Elle concerne l'infiniment près, par exemple la santé mentale des personnes avec lesquelles nous vivons au quotidien.

Au départ de ce qui allait devenir "L’œil nu", la chorégraphe et danseuse lausannoise Maud Blandel avait le regard tourné vers les étoiles et son écoute concentrée sur une pièce de musique contemporaine du Français Gérard Grisey. "Le Noir de l’étoile" est une composition pour six percussionnistes et des signaux astronomiques. "Je me suis intéressée aux pulsars, à la mort des étoiles (…). On dit qu’une étoile commence à mourir lorsque, ayant épuisé ses réserves d’hydrogène, elle quitte son état d’équilibre." En scrutant le cosmos, Maud Blandel s’est alors rendu compte qu’elle tentait de comprendre l’explosion d’une étoile bien précise: le suicide de son père qui s’est tiré une balle dans le cœur alors qu'elle se trouvait dans la pièce d’à côté.

Le rapprochement est vertigineux. Le voici sur une scène de danse. Trois gradins entourent le plateau qui devient… une piste de boules. Ils et elles sont six, tirant, pointant des boules en mousse qui finissent parfois leur course dans les pieds du public en train de s’installer. Le ton est encore léger, la bande-son raconte cependant déjà une autre histoire: la rivalité entre Elmer, le chasseur, et Bugs Bunny, le lièvre. Un classique du dessin animé américain. Sans les images, les dialogues sont plus grinçants que drolatiques: "Shoot me", crie le lapin.

Explosions cosmiques

Les boulistes se mettent ensuite en mouvement. Karine Dahouindji, Maya Masse, Tilouna Morel, Ana Teresa Pereira, Romane Peytavin et Simon Ramseier se lancent dans des orbites complexes, cercles multiples toujours en recherche d’équilibre, marchant, courant pour ne pas se perdre. La scène est devenue système planétaire, agencement et réagencement permanent d’astres en risque de désastre.

"L’œil nu" devient alors vertigineux, emprunte des gestuelles au gaming guerrier et aux sports de combat. Rondement menée dans un premier temps, la danse devient confrontation saccadée, positions du tireur debout et affrontement en ligne. Public, nous voici happés dans un tourbillon d’impressions, de sensations et de souvenirs. La force d’attraction cosmique? "L’œil nu" a cette capacité de fouetter l’imaginaire plutôt que de se livrer de manière trop littérale.

Invité dans le programme officiel du Festival d’Avignon avec la complicité de la Sélection SCH, "L’œil nu" est une création d’une rare densité émotionnelle et sensorielle. A défaut d’aller jusqu’à Avignon, vous pourrez le rattraper cet automne au Festival de la Bâtie.

Thierry Sartoretti /ms

"L'oeil nu", Maud Blandel, au Festival d’Avignon jusqu’au 16 juillet, puis au Festival de la Bâtie à Genève du 1er au 4 septembre 2023.

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