Foi de spectateur, j’ai vu "One Song" au Theater Spektakel de Zurich récemment et j’en ai encore des fourmis dans les jambes. Cette performance d’une heure transmet une énergie au public telle qu’elle a reçu le titre de "Spectacle de l’année" de la part de notre consoeur du New York Times. Pleinement d’accord avec elle.
"One Song" est, comme son titre l’indique, le spectacle d’une seule et unique chanson, jouée pendant soixante minutes. Une chanson qui célèbre la vie et la fait défiler devant nous. De la naissance à l’épuisement final avec ses hauts et ses bas. "Run For Your Life, 'Til You Die", disent ses paroles que matérialise une scène transformée en salle de sport, avec ses gradins au fond.
Des musiciens qui mouillent le maillot
Côté rangée, des supporters gonflés à bloc et une improbable commentatrice avec son mégaphone. Côté parquet, le groupe de musique en tenue de sport avec numéro sur le dos. Chaque instrumentiste doit mouiller le maillot pour réussir à sortir la moindre note: le chanteur court sur un tapis roulant. Le contrebassiste doit accomplir des abdos pour atteindre le manche de son instrument. Le clavier, accroché en haut d’un espalier, se joue à la seule condition de sauter sur un tremplin. La violoniste joue en équilibre sur une poutre. Le batteur dispose d’un instrument dispersé en quatre points différents. Le voici obligé de courir, lui aussi, pour maintenir le tempo dicté par un métronome.
Leurs supporters les encouragent. Ou les engueulent, avec des écharpes aux couleurs des participants. Enfin, un pom-pom boy chauffe la salle et doit porter des plaques de plâtre gravées avec les mots de la chanson. Qui va craquer le premier? Qui tiendra jusqu’au bout?
Performance enthousiasmante
On se laisse emporter par le jusqu'au-boutisme de cette performance (un mot à prendre dans tous les sens du terme). Au départ, l’artiste flamande Miet Warlop est une plasticienne. Elle apprécie beaucoup le plâtre, les moulages et conçoit depuis quelques années des spectacles déjantés, drôles mais pas que, furieusement rock’n’roll et jubilatoires.
"One Song" revisite une pièce plus ancienne de l’artiste à la demande du metteur en scène suisse Milo Rau, programmateur du Théâtre de Gand où Miet Warlop est associée. Nommée alors "Crying Deer", cette ancienne performance avait été un requiem créé suite au suicide de son frère. Vingt ans ont passé, la perte est toujours là et la vie continue, proclame "One Song".
"One Song" pourrait être un jeu télévisé ou un pari tenu par une bande de givrés. C’est une allégorie, de notre existence et de notre condition humaine. Pourquoi va-t-on jusqu’au bout? Et à quel prix? "Sans peur!" affiche l’une des écharpes bariolées du kop, épuisé lui aussi, sur son gradin de supporters.
Thierry Sartoretti/mh
Miet Warlop, "One Song", Comédie de Genève, du 31 août au 2 septembre 2023, dans le cadre du Festival de la Bâtie.
La 47e édition du Festival La Bâtie mise sur la diversité
Du 31 août au 17 septembre, la manifestation pluridisciplinaire de la rentrée culturelle genevoise propose 70 événements dans 57 lieux, en Suisse et en France voisine. Elle fera se croiser diverses disciplines (théâtre, danse, musique, cirque, performance…) pour un total de 155 représentations
Parmi les incontournables de cette édition, on peut citer la trilogie théâtrale "Phèdre!", "Carmen." et "Giselle…" de la 2B Company de François Gremaud, la venue du circassien Alexander Vantournhout pour deux spectacles, et deux projets du chorégraphe Trajal Harrell accompagné du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble.