Quel bel enfant de chœur! On lui donnerait le Bon Dieu sans confession et ça tombe bien. Emeric Cheseaux ouvre son spectacle avec un chant de messe joli comme une rose et passe direct à confesse le temps de sa "Révérence", savoureux spectacle solo entre l'autoportrait avec famille dans le cadre, la chronique villageoise et l'histoire d'un exil volontaire et pas toujours compris: l'enfant de la commune a décidé de devenir comédien à la ville. Laquelle? Le plus loin possible et pas question de faire l'aller et retour en fin de semaine.
Les racines dans le terroir
"T'as toujours été différent. Sans l'accent. Et puis si… sensible", lui balance la tante organisatrice de soirées Tupperware. Différent certes, mais avec des racines bien plantées dans un terroir. Dans "La révérence", ça parle français de Genève, ça parle valaisan du bas et au besoin ça cause aussi en patois.
Emeric Cheseaux, la vingtaine, sort de la Manufacture, la haute école romande des arts de la scène avec du talent plein les poches. Il est tout autant Saillonin, Bayardin ou Tape-Gouille, prompt à sortir les bouteilles de Corbassière et offrir la tournée au public. On a beau être devenu comédien lausannois, on n'en oublie pas moins le sens de l'hospitalité façon vallée du Rhône.
Partir ou rester?
Pour nous raconter sa famille, sa commune et son départ, Emeric Cheseaux n'a besoin que d'une chaise et de quelques verres à pied. Du théâtre micro-local? Bien plus que ça. Pas besoin d'avoir grandi rue des Remparts pour saisir les enjeux, les piques, la tendresse et ce grand dilemme du partir ou rester, du je t'aime moi non plus.
"La révérence" s'inscrit dans un terroir pour mieux le déborder et nous parler de l'humanité. Il s'inscrit aussi dans un théâtre qui ne boude pas ses origines rurales et y trouve une force et une originalité bienvenue. Si vous appréciez les spectacles de Pierre-Isaïe Duc, "D'autres" de Tiphanie Bovay-Klameth, "La mâtrue" de Coline Bardin, "Charrette" de Simon Romang ou encore "Molière-Montfaucon 1-1" de Lionel Frésard, autant de pépites du théâtre suisse, vous adorerez cette "Révérence".
Emeric Cheseaux dit apprécier l'humour de Zouc ou la plume d'Annie Ernaux. De la première, il adopte ce goût pour les voix et les personnages qui ont du grain. De la seconde, il sait transformer une histoire personnelle en récit universel. Comme disait l’autre: on a tous et toutes quelque chose de Saillon.
Thierry Sartoretti/mh
"La révérence", le Pommier, Neuchâtel, le 2 septembre; Théâtre Les Halles, Sierre, du 7 au 12 novembre 2023; l’Echandole, Yverdon, le 23 mars 2024.