Entrez dans le campement des arTpenteurs et le voyage commence déjà. Chapiteau rouge, caravanes vertes, des terrasses de buvette dans l’herbe et une yourte blanche où l’on vous raconte volontiers l’histoire des compagnies itinérantes, ces petites utopies entre théâtre, musique, danse et cirque qui n’hésitent pas à migrer au fond de l’Ariège ou de la Thessalie pour les besoins d’un spectacle. Les arTpenteurs, c’est vingt-deux ans de spectacles et un nombre incalculable de kilomètres et de représentations sous la toile et les étoiles.
A l’affiche de la tournée 2023, l’un des romans les plus célèbres de la littérature américaine: "Fahrenheit 451", de Ray Bradbury. Fahrenheit 451, soit peu ou prou 232 degrés Celsius, est la température idéale de combustion d’un livre.
Brûler les livres
Dans cette dystopie, les pompiers n’éteignent plus d’incendies car les maisons sont parfaitement sécurisées. Ils sont désormais chargés de traquer et brûler les livres, tous les livres, car ces derniers empêchent de cesser de penser et de goûter ainsi le bonheur simple d’une dictature régnant par la toute puissance des écrans de télévision.
Le roman originel a été entièrement réécrit par le comédien Steven Matthews pour l’adapter au format d’une scène de théâtre et au jeu très physique des arTpenteurs, mis en scène par Laurent Annoni. Il y avait aussi la volonté de lui donner un combustible dramatique plus en lien avec notre époque.
Ecrit en pleine Guerre froide
"Fahrenheit 451" date en effet des années 1950, période de la Guerre froide, du triomphe de la télévision et du maccarthysme, cette chasse aux sorcières des communistes américains. Sous le lance-flammes des arTpenteurs, cette impitoyable chasse aux bouquins répond au souci de ne blesser aucune minorité susceptible d’être heurtée par une publication. La paix sociale, politique, religieuse serait à ce prix. Au feu! "Vamos à la Pléiade!", comme dit le capitaine des sapeurs.
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Bon, cette version rondement menée en une heure passe comme chat sur braise sur l’existence d’internet, un lieu ininflammable où circulent pas mal d’idées, de controverses et… de livres. Mais peu importe, "Fahrenheit 451" n’a pas volonté d’être réaliste. Le rôle d’une dystopie est de provoquer la réflexion. La nôtre. Et celle de Montag le pompier qui se met à lire les ouvrages qu’il devrait détruire, jusqu’à s’enfuir et rencontrer un groupe de résistants. Elles et eux n’ont pas de rayons de livres. Elles et eux sont des bibliothèques, à force d’apprendre chaque livre par cœur. Et vous, si vous deviez en sauver un et l’ingurgiter, mot après mot, phrase après phrase, chapitre après chapitre, lequel choisiriez-vous?
Thierry Sartoretti/mh
"Fahrenheit 451" par la Cie Les arTpenteurs, Place Favre, Chêne-Bourg (GE), jusqu’au 7 septembre. Jardin Roussy, La Tour-de-Peilz (VD), du 13 au 17 septembre. Parc Monséjour, Aigle (VD), les 23 et 24 septembre 2023.