Quelque part dans le Far West, dans une plaine désertique, un bus décharge un petit groupe de personnes qui se livrent à une cérémonie particulière en dressant un énorme œuf. Cet œuf "mystique" est ensuite célébré en fanfare par ses adorateurs à coup de flûtes bien désaccordées.
L'oeuf va aussi sceller les liens de cette communauté dont les membres sont en retraite spirituelle, en thérapie, ou peut-être en goguette dans un territoire merveilleusement apocalyptique qui va accueillir des "offrandes" sous forme de poèmes, chansons, danses ou mimes. Bienvenue dans le "Jardin des délices" de Philippe Quesne, situé à mi-chemin entre le bestiaire médiéval et le western contemporain.
Un enfer peuplé de créatures effrayantes
Le titre du spectacle fait directement référence au tableau peint par Jérôme Bosch autour de 1500. En trois parties, l'oeuvre raconte la genèse, la vie avant le déluge ainsi que l’enfer. Cette dernière partie est peut-être la plus célèbre: peuplée de créatures fantasmagoriques qui grouillent de partout, elle montre des scènes improbables aussi drôles qu'inquiétantes.
Le spectacle de Philippe Quesne contient lui aussi des mouvements étranges ou des positions qui rappellent celles des personnages de Bosch, comme une posture de yoga qui transforme une comédienne en une bizarroïde créature sur pattes, mais sans tête.
Du naturel au surnaturel
Le tableau de Bosch donne à voir des réunions d’êtres réels et d’êtres surnaturels. Ces amalgames de personnages fascinent le metteur en scène depuis longtemps. "J'aime mettre en scène des semblants de familles complètement disparates. Il m'est arrivé de mettre en scène des taupes géantes, des druides, des enfants, des chiens, des oiseaux. Je suis très familier d'un théâtre qui rapprocherait les genres et qui essayerait d'utiliser la scène comme un endroit possible de réunion improbable d'un nouveau type de communauté", indique Philippe Quesne à la RTS.
Le spectacle recèle de nombreuses références, à la manière d'un cabinet de curiosités: un personnage rappelle le droïde de la "Guerre des étoiles", un rockeur gothique ressemble à Alice Cooper, un diable rouge chante un air d’opéra. Les textes sont variés, de la "Divine comédie" de Dante à un texte de la poétesse marseillaise Laura Vazquez.
Cet assemblage rappelle la Renaissance du peintre flamand. "On y résume la diversité des espèces, explique Philippe Quesne. C'est le temps des nouvelles découvertes en Amérique, on découvre de nouvelles plantes, de nouveaux peuples, des nouvelles races, de nouveaux animaux. (...) Dans cette toile, Bosch dépeint en remplissant chaque centimètre une multitude de situations et une époque avec beaucoup de mystères".
Sujet radio: Anya Leveillé
Adaptation web: mh
"Le jardin des délices", Théâtre Vidy-Lausanne, jusqu'au 5 octobre 2023.