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Avec "Les falaises, journal de bord", le théâtre raconte un quartier ouvrier sierrois

Le quartier Sous-Géronde à Sierre. [Collectif StoGramm]
Les Falaises, Journal du Bord / Vertigo / 5 min. / le 27 novembre 2023
Le collectif valaisan StoGramm rend un bel hommage à Sous-Géronde, un quartier ouvrier sierrois inchangé depuis les années 1920. "Les falaises, journal de bord" est à découvrir du 30 novembre au 3 décembre au Théâtre des Halles de Sierre (VS).

Une falaise abrupte corsète le Rhône le forçant à un débit rapide. La plaine, juste à côté, est irriguée par la plus modeste Navizence qui dévale du Val d'Anniviers. Chippis, village valaisan, relié à Sierre par un pont, s'est avéré idéal pour y installer une industrie gourmande en eau. En 1905, les Zurichois de l'Aluminium-Industrie Aktiengesellschaft (AIAG), future Alusuisse, décident d'y installer leur nouvelle usine et achètent pour ainsi dire tous les environs.

Sous la colline de Géronde, l'AIAG fait construire un nouveau village pour ses ouvriers spécialisés et ses cadres, avec de grandes maisons locatives, des villas, un foyer comprenant théâtre et salle de répétition pour la fanfare.

Aujourd'hui, les wagons de matériaux industriels traversent toujours Sous-Géronde même si l'on y traite plus la bauxite comme autrefois. Hormis les voitures parquées devant les maisons, le labyrinthe tranquille de la Rue des Falaises semble resté dans son état premier. Voici un centenaire imperturbable aux changements. Seul le foyer a été rénové pour les besoins du nouveau technopole installé à l'orée du quartier.

Un travail de mémoire

Il y a trois ans, Sous-Géronde et son destin incertain (rasé, rénové, maintenu dans son jus?) intriguent deux voisins sierrois. Olivia Seigne est comédienne. Alexandre Vogel ingénieur et passionné d'histoire. Gamin, il a même travaillé à l'usine avant qu'elle ne s'appelle Novelis et Constellium. Ensemble, Olivia et Alexandre forment le collectif StoGramm. On dirait un acronyme d'usine, il s'agit cependant de théâtre.

Le duo récolte les récits des locataires du quartier, la mémoire des anciens ouvriers, de celles et ceux qui y ont passé leur enfance, fouille les archives à la recherche de cette vie disparue, quand les fours chauffaient à plein régime et que l'on ne se préoccupait pas de savoir si cet amas de fluor pouvait nuire à la santé.

Traduire en spectacle une épopée industrielle

Cette recherche fait rejaillir des destins parfois transcontinentaux, des histoires de migrations ou au contraire des destins éminemment sédentaires comme celui des sœurs de Géronde et leur couvent perché sur la falaise. Il y avait aussi cette école protestante - un sacrilège à l'époque, pire que le socialisme - édifiée pour les gamins des ouvriers alémaniques.

Illustration de l'exposition-théâtre "Les falaises, journal du bord" au théâtre Les Halles. [DR]
Illustration de l'exposition-théâtre "Les falaises, journal du bord" au théâtre Les Halles. [DR]

Comment traduire en spectacle une épopée industrielle et la vie de tout un quartier, au moins quarante familles et autant d'accents venus d'ici et d'ailleurs? Olivia Seigne et Alexandre Vogel ont créé une troupe de théâtre élargie avec Barbara Tobola, Lionel Fournier et Claire Forclaz venus donner corps à ces histoires.

Entre théâtre et exposition

Au Théâtre les Halles, sis à quelques mètres de Sous-Géronde, lui aussi au bord de la voie du train de l'usine, on passe de jeux de dialogues à un film entre Sierre et Venise, d'un roman photo à des installations, d'un paysage sonore à une exposition de peinture en passant par des photographies d'archives.

"Les falaises, journal de bord" mêle malicieusement la fiction au réel. Ainsi ce fils d'immigré rachetant Sous-Géronde ou cette tante préférant l'exil aux Amériques plutôt que la vie monastique. Le quartier des falaises est bien vivant et le théâtre lui rend un bel hommage.

Thierry Sartoretti/aq

"Les falaises, journal de bord" du collectif StoGramm, Théâtre Les Halles, Sierre, du 30 novembre au 3 décembre 2024.

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