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Derrière la scène, les violences sont encore souvent tues

Les scènes de théâtre ou d’opéra ne sont pas épargnées par des comportements violents, souvent difficiles à dénoncer
Les scènes de théâtre ou d’opéra ne sont pas épargnées par des comportements violents, souvent difficiles à dénoncer / 19h30 / 3 min. / le 28 novembre 2023
Les grandes scènes internationales, à l'opéra ou au théâtre, ont été marquées ces derniers mois par des comportements parfois violents de la part de certains metteurs en scène ou chefs d'orchestre. Des comportements inadéquats qu'il est encore difficile de dénoncer, même si les langues commencent à se délier.

En juin dernier, la pièce "Les Emigrants" a été subitement arrêtée à La Comédie en raison du comportement tyrannique du metteur en scène avec son équipe. 

De tels comportements ne sont pas rares. A l'opéra, ces scènes sont aussi légion. En août dernier, le chef d'orchestre britannique John Gardiner giflait un chanteur en coulisse, suscitant l'émoi de la presse internationale.

De son côté, le comédien Laurent Deshusses a très vite pris soin de fuir ces comportements. "Je n'arrive pas à travailler contre ou dans la haine", explique le comédien mardi dans le 19h30.

"Par contre, j'ai pu m'apercevoir que certains metteurs en scène avec qui j'ai travaillé se nourrissaient de ma colère, de la haine. Et eux dormaient bien. Dès le moment où on sent qu'on est dans le conflit et que l'autre, plus il y a de conflit, plus il se pose, plus ça l'affirme, je pense qu'il faut partir."

La rébellion d'un orchestre

Le ténor Emiliano Gonzalez Toro, de passage à Genève avec son ensemble "I Gemelli", a récemment pris la plume pour dénoncer certains agissements. Il en appelle au respect à l'opéra. Une voix rare dans ce milieu.

Le ténor se souvient aussi d'une scène à laquelle il a assisté avec un chef d'orchestre: "A un moment donné, le premier violon pose son violon et se jette sur lui pour lui casser la figure. A priori, il y avait des éléments de langage ou une ambiance tellement tendue créée par le chef qu'effectivement, à ce moment-là, l'orchestre s'est rebellé", se remémore  Emiliano Gonzalez. "Et pour moi, c'était très compliqué de pouvoir expliquer quoi que ce soit, comme l'immense majorité de mes collègues."

Une nouvelle génération

Rencontrée à l'occasion de la présentation de l'opéra Don Carlos au Grand Théâtre de Genève, la metteuse en scène Lydia Steier confirme que certaines situations peuvent devenir intolérables. Elle reconnaît des tensions, des comportements parfois inadéquats dans un milieu, l'opéra, très pyramidal, très autoritaire.

Le mouvement Metoo a amené beaucoup de changements (...). La branche est en train de changer et c'est très positif

Lydia Steier, metteuse en scène

"La violence, ça ne va vraiment pas, les crises colériques ou les humiliations intentionnelles de personnes, non plus", regrette la metteuse en scène.

"Ce n'est pas constructif artistiquement, ni acceptable humainement. Le mouvement Metoo a amené beaucoup de changements, une nouvelle génération qui recherche plus d'équilibre entre autorité et liberté. La branche est en train de changer et c'est très positif", ajoute encore Lydia Steier.

Protéger les équipes

Le directeur du théâtre de Carouge, Jean Liermier, accueille régulièrement des productions internationales. L'essentiel pour lui est de protéger l'intégrité de ses équipes. Il estime que c'est une question de bon sens.

"Qu'un metteur en scène ou un chef d'orchestre puisse gifler quelqu'un, c'est juste inadmissible et ça s'appelle une faute grave. On a mis en place avec la fédération romande des arts de la scène une personne de confiance. Chaque membre des équipes peut la solliciter de façon anonyme et lui faire part de son problème pour qu'il soit réglé", détaille Jean Liermier.

Malgré l'évolution en cours, il reste très difficile de dénoncer certains actes sur les grandes scènes internationales - ou les plus petites - sans mettre en danger sa propre carrière. Beaucoup préfèrent encore se taire.

Chloé Steulet/asch

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