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Tabea Martin brise les tabous par la danse dans des spectacles destinés aux enfants

Spectacle de danse "Forever" de Tabea Martin. [DR]
La danse jeune public de Tabea Martin / Vertigo / 5 min. / le 28 novembre 2023
La chorégraphe bâloise mélange danse et théâtre. Ses créations jeune public abordent avec humour les thèmes les plus rudes. La mort dans "Forever", l'exclusion dans "Geh nicht in den Wald, im Wal ist der Wald". L'Arc jurassien lui consacre un petit festival entre le 2 et le 13 décembre.

Mais qui donc est Georges? Sur scène, ils et elles sont quatre à se poursuivre et se bousculer dans un décor en tissu blanc rappelant des cabines d'essayage. On porte tutu, on se déguise et on se masque. On s'insulte aussi, façon guerre des boutons et on sent bien que ce Georges va passer un mauvais quart d'heure. Le titre du spectacle est en allemand, les dialogues passent d'une langue à l'autre en fonction du théâtre d'accueil.

A l’invitation d'ADN — Danse Neuchâtel et du Théâtre Populaire Romand (TPR) à La Chaux-de-Fonds, c'est donc en français que le jeune public (recommandé dès 8 ans) et les adultes vont pouvoir rire des soucis de Georges. L'affaire n'a pourtant rien de drôle a priori. "Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald" ("Ne vas pas dans la forêt, dans la forêt il y a la forêt" en français) parle d'exclusion. Et cette exclusion peut être brutale, rythmée en live par un musicien entre rock et cabaret.

Le sang vous fait peur? Tentez de vous confronter à "Forever". On y meurt beaucoup et le (faux) raisiné coule en abondance comme dans un film de Quentin Tarantino. Avec leur tablier blanc en plastique, danseurs et danseuses évoquent à la fois des princesses de conte et des employés des abattoirs. Saisissant contraste dans cette création qui explore des dizaines de manières de mourir. Là aussi, on rit et on y parle. Le jeune public - pour le coup pas en dessous de 8 ans - en redemande.

L'art de ne pas prendre les enfants pour des pives

Tabea Martin, c'est l'art de ne pas prendre des enfants pour des pives et de leur raconter des histoires avec leurs propres mots. Passionnée par les créations jeune public, la chorégraphe bâloise a pour habitude de débuter ses recherches en classe, en dialoguant directement avec son futur public.

Le harcèlement, l'exclusion? Tout gamin fréquentant un préau peut vous en raconter un rayon sur le sujet. La mort? Ça peut être celle du chat de l'appartement ou la perte du grand-papa ou un accident brutal. Les enfants sont également confrontés au sujet dans leur quotidien et ils en parlent quand on les questionne sur le sujet. C'est d'ailleurs la perte d'un proche qui a mené Tabea Martin sur ce terrain escarpé.

"On dit parfois que je fais du tanztheater", déclare Tabea Martin dans l'émission Vertigo du 28 novembre. Celle qui fut danseuse dans des compagnies irlandaises et hollandaises, avant de mener depuis Bâle une carrière internationale comme chorégraphe de danse contemporaine, a créé son propre langage.

Les mots, qu'ils soient parlés ou écrits sur des tableaux noirs, comptent autant que les gestes. Et l'humour, parfois absurde avec une énergie très dadaïste, lui permet d'aborder tous les sujets. Même les plus sanguinolents. Par les temps qui courent, voici un art salvateur et porteur de résilience à découvrir en famille.

Thierry Sartoretti/ld

Mona De Weerdt et Michelle Ettlin, film "Choreographers at Work! #Tabea Martin", Ancienne Poste, , Le Locle, le 2 décembre 2023; Museum d'Histoire naturelle, Neuchâtel, le 5 décembre 2023.

Tabea Martin, "Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald", TPR, La Chaux-de-Fonds, les 8 et 9 décembre 2023.

Tabea Martin, "Forever", Théâtre du Jura, Delémont, le 13 décembre 2023.

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