Claire Dessimoz danse les imperfections et joue sur les codes

Devant les expressions de son visage et sa gestuelle, on cherche une métaphore. La météo bretonne s'impose: en l'espace de quelques minutes, soleil radieux, pluies diluviennes, rafales de vent, éclaircies, épais brouillard et enfin beau temps revenu que balaie un orage.

Quand elle interprète son "Grand miroir", solo de sa composition, Claire Dessimoz est tout autant comédienne que chorégraphe et danseuse. Il y a même du clown chez elle, dans cette capacité de glisser d'un battement de cil d'une émotion à une autre. Comme si les états d'âme pouvaient avoir la souplesse d'un bon jeu de jambes sur le ring.

"Une tenue de sport, sexy ou pas sexy?" Au public de répondre à ce petit jeu de chat et de souris d'une danseuse qui dit avoir été gênée de prendre la parole jusqu'au jour où un ami lui a déclaré que ce n'était pas généreux: se taire, c'est penser et ne pas partager son avis.

Une année faste pour l'artiste

A 35 ans, l'artiste lausannoise vit une année faste avec pas moins de quatre spectacles en tournée ou en création. Sans oublier une participation à une future création de son amie danseuse Clara Delorme. Avant de lister ces réjouissances scéniques, un constat s'impose: Claire Dessimoz n'aime ni les cadres ni les normes, peut-être une revanche sur ses études d'architecture menées parallèlement à sa formation de danse en Angleterre.

On a déjà parlé du "Grand miroir", présenté au Festival Go Go Go, dynamique rendez-vous de la scène romande qui marie théâtre, performances, musiques et danses au Grütli de Genève. Ce spectacle se veut une sorte d'ode à la tentative, à l'essai, au plus ou moins assumé ou réussi. Il aborde notre désir d'être remarqué, considéré comme unique… tout en nous conformant à des modèles et des normes.

La transe de la musique

Ouvrons son "Recueil des miracles", imaginé avec le musicien Louis Schild. Figurez-vous un cercle de musiciens puisant et s'épuisant dans le répertoire de la tarentelle, cette musique du sud de l'Italie qui servait à soigner épilepsies et dépressions, à moins qu'elle ne rende folle la personne qui osait se lancer dans cette sarabande. La musique tourne, la danse s'installe, corps et sons se mélangent et la transe de la tarentelle ne quittera que lentement les corps et les âmes des interprètes et du public.

D'étranges créatures qui surgissent

Passons à "Festival", un spectacle conçu et interprété avec Louis Bonnard et Clara Delorme. Voici un appartement parfait, presque un intérieur témoin. Claire joue la maman, Louis le papa, et Clara la fillette. Noël approche, la routine familiale se prépare à la merveilleuse soirée de Noël. On dirait une pub pour des plats surgelés ou une assurance vie.

C'est un conte, calé à la note et au soupir près sur la partition de la première symphonie de Gustav Mahler. La famille partira se coucher et d'étranges créatures vont envahir ce nid douillet. "Festival", c'est une comédie musicale sans paroles, une chorégraphie de la vie quotidienne. C'est aussi drôle que virtuose et délicieusement martien.

Terminons par "Current Currents", chorégraphie de groupe basée, dixit Claire Dessimoz, "sur la cohabitation entre les parcours différents des interprètes, sur la fragilité notamment lorsque l'on tente de s'aventurer dans un domaine que l'on ne maîtrise pas". A la belle danse, Claire Dessimoz préfère la rebelle danse.

Thierry Sartoretti/mh

"Grand miroir", Théâtre du Grütli, Genève, dans le cadre du festival Go Go Go, le 13 janvier 2024.
Création de "Le recueil des miracles", Théâtre de Vidy-Lausanne, du 31 janvier au 4 février 2024. Reprise à la salle de l’ADC, Genève, 7 et 9 mars 2024.
"Festival", salle de l’ADC, Genève, du 20 au 22 mars 2024.
"Current currents", Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains, 2 mai 2024, Tanzhaus & Zürich Tanzt, Zürich, 11 et 12 mai 2024, Phönix Theater, Steckborn, 31 mai et 1er juin 2024, ADN Neuchâtel & Temple Allemand-ABC, La Chaux-de-Fonds, 15 et 16 juin 2024.