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Avec "Signé Betty", le théâtre passe la mythique Betty Bossi au gril

Une image du spectacle "Signé Betty" autour de Betty Bossi. [Théâtre de l'Orangerie - Juliette Russbach]
Signé Betty / Vertigo / 7 min. / vendredi à 17:09
Comédie satirique à découvrir jusqu’au 28 juillet au Théâtre de l’Orangerie à Genève, "Signé Betty" passe un mythe à la casserole: la plus célèbre des cuisinières suisses aux recettes inratables et iconiques. Piquant et à feu vif.

Elle a quel accent Betty Bossi? Bâlois, comme son actuel propriétaire Coop? Argovien, comme son ancien patron, l’éditeur Ringier? Ou vaudois, tessinois, romanche? Suisse assurément, alémanique potentiellement, pour cet amour des rondelles d’ananas incorporées un peu partout, y compris sur la pizza.

A moins qu’elle ne possède une légère pointe d’accent anglo-saxon matinée de zurichois? Car Betty Bossi est née dans les années 1950 de l’imaginaire d’une publiciste des bords de la Limmat, Emmi Creola-Maag, laquelle s’inspirait d’un nom venu d’outre-Atlantique: Betty Crocker et ses impeccables tenues rouges et blanches de bonne épouse et ménagère soignée.

Eh oui, on vous le dit tout de suite. Betty Bossi, c’est comme le Père Noël. Vous êtes libres d’y croire, vous pouvez lui envoyer du courrier, elle n’existe toutefois pas pour de vrai. Navré.

Betty Bossi, c’est la bible de la cuisine

Si vous êtes jeunes, Betty Bossi, c’est avant tout une ligne de plats prêts à manger. Si vous êtes plus âgés ou si avez des parents qui ont vécu dans notre chère Confédération helvétique, alors vous savez: Betty Bossi, c’est la bible de la cuisine, le Mahabharata du gratin de pâtes aux champignons et du pâté de viande en croûte. Un triomphe en plusieurs volumes, rien que des tubes.

Le groupe Abba a publié son "Abba Gold", quintessence de ses œuvres, Betty Bossi a aussi son best of à la couverture dorée. Il s’appelle "Recettes inoubliables" et respecte le code graphique de la série avec son brochage en spirale, si pratique à ouvrir, mais si peu ergonomique à ranger sur une étagère.

C’est qui Betty? Jusqu’au 28 juillet, ce sont Julia Portier, Wave Bonardi et leur complice Agathe Lecomte. Allez les voir sur la scène du Théâtre de l’Orangerie à Genève entre table de cuisine, serviettes pliées en accordéon et boîtes en plastique pour ne jamais jeter les restes d’un repas forcément réussi. Ah oui, il faut le préciser pour celles et ceux qui n’ont pas connu l’âge d’or Bossi: une recette de Betty ne se rate jamais. Ou alors c’est la condamnation à l’exil culinaire intérieur, privation de visites et repas en solitaire jusqu’à faire amende honorable.

>> A voir, le sujet du 19h30 :

A Genève, la pièce de théâtre "Signé Betty" se plonge dans les recettes de Betty Bossi et décortique les clichés
A Genève, la pièce de théâtre "Signé Betty" se plonge dans les recettes de Betty Bossi et décortique les clichés / 19h30 / 2 min. / samedi à 19:30

Deux comédiennes avec du tranchant

Elles ont du tranchant et de l’audace, Julia Portier et Wave Bonardi. Les deux comédiennes ont répondu à un appel d’offres de l’Orangerie qui demandait une création inspirée d’une œuvre classique. Betty Bossi plutôt que Marivaux ou Shakespeare? Oui, c’est une véritable auteure répond le duo, en ce sens que ses livres auront marqué l’imaginaire et la vie quotidienne d’un pays entier. Elle n’existe pas, et alors?

On n’est pas sûr de l’identité d’Homère et côté cuisine suisse, Betty Bossi c’est une peu l’Odyssée. On lit et on voyage. Et si on se perd et parfois se noie dans cette cuisine emplie de margarine, de beurre et d’huile de colza, on peut toujours se raccrocher à une rondelle d’ananas en guise de bouée de sauvetage.

Le spectacle "Signé Betty" a plus d’une recette dans sa manche. On passe de l’histoire d’un mythe à l’analyse au vinaigre des rapports de genres au sein du ménage, en passant par les injonctions à la perfection domestique, les canons de beauté et les comportements idoines. La maigre est forcément végétarienne et bêcheuse. La ronde une bonne vivante qui devrait tout de même faire attention, et gare à celui ou celle qui ne finit pas son assiette.

On passe de collections de propos de table à des savoureuses saynètes de repas malicieusement interrompues par une metteuse en scène qui passe les comédiennes au gril et entend rendre pleine justice à notre Balzac des fourneaux et autres micro-ondes.

Il y a beaucoup d’acidité, un peu de sucre et du gras savoureux dans cette satire d’un monde réglé sur la balance et la température du four. Une chose est sûre, "Signé Betty" se consomme sans modération.

Thierry Sartoretti/olhor

"Signé Betty" de Wave Bonardi et Julia Portier, Théâtre de l’Orangerie, Genève, du 17 au 28 juillet 2024.

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