Lilo Baur, Anneau Hans Reinhart 2024: "C'est un privilège de pouvoir vivre de sa passion"
Après une nomination aux Molières, Prix français du théâtre, en 2020, Lilo Baur, 66 ans, est récompensée cette année par la plus haute distinction suisse des arts de la scène: l'Anneau Hans Reinhart. Une véritable surprise pour l'artiste argovienne. "C'est assez incroyable. (...) Cela me plonge dans mon enfance, dans mes rêves, quand j'ai découvert ma passion pour le théâtre et que je me suis dit: 'il ne faut pas lâcher, il faut aller jusqu'au bout'", témoigne Lilo Baur dans l'émission Vertigo du 30 octobre.
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Le théâtre et sa carrière lui ont permis de nombreuses rencontres et de très beaux voyages, mais revenir en Suisse, là où tout a commencé, est pour Lilo Baur source d'une grande émotion. "Aujourd'hui, ça y est, je reçois une récompense pour ma passion et je trouve cela incroyable", souligne-t-elle.
Le mouvement et le silence
Depuis son petit village d'Argovie, Lilo Baur a franchi une à une les étapes d'un parcours brillant. Elle s'est formée à l'Ecole internationale de Jacques Lecoq, après avoir essuyé un refus à Zurich. "Le cursus s'appelait 'Mouvement-mime-théâtre' et moi, j'avais toujours eu une aversion pour le mime parce que je n'étais pas très douée. Mais le mouvement, c'est la vie, le corps, l'observation, les sens... Jacques Lecoq nous a appris à observer notre corps. (...) Je trouve très intéressant d'observer les gens, le langage du corps. Cela me poursuit encore", dit-elle.
Elle entame ensuite sa carrière à Londres où elle rejoint la compagnie Complicite en 1989. Puis elle collabore avec le metteur en scène Peter Brook, qui lui apprend l'écoute et l'importance du silence. "Le plus fort avec lui, c'est qu'on avait l'impression quand on lui parlait qu'on était la seule personne qui comptait à ce moment-là". Lilo Baur devient son assistante. Elle collabore avec lui sur "Les fragments" de Beckett, et "Warum Warum" notamment. Depuis les années 2000, les mises en scène se multiplient, tout comme les collaborations, avec entre autres la Comédie-Française.
Laisser place à l'improvisation
Lilo Baur est metteuse en scène, mais elle est aussi tout le temps sur scène. Elle travaille sur le corps et sur l'improvisation. Lorsqu'elle se lance dans un projet, elle commence toujours par quelques jours d'improvisation sur le thème choisi, sans utiliser le texte. "Evidemment, tout le monde a lu son rôle, tout le monde connaît la pièce, mais cela donne vraiment du matériel pour travailler ensuite", souligne-t-elle.
Lilo Baur est aussi metteuse en scène d'opéra. Un cadre plus strict, bien loin de l'improvisation que permet le théâtre. L'artiste adore la musique, elle qui est née dans une famille de mélomanes avec un père fan de Joséphine Baker qui jouait du piano, et un frère qui en a fait son métier. "Moi j'avais envie de faire du théâtre et pas du piano. Mais connaître la musique m'a beaucoup aidée pour mon parcours à l'opéra", se souvient l'artiste.
Et ce qu'elle apporte aux chanteurs lyriques, c'est cette envie d'aller plus loin dans le corps et le mouvement, une sorte de curiosité théâtrale. "Ce que je constate quand je travaille avec de jeunes chanteurs et chanteuses, c'est que je n'ai plus affaire seulement à des voix, mais à de véritables comédiens. C'est un régal", indique-t-elle.
Femme malicieuse et pleine d'humour, Lilo Baur a été récompensée par l'Anneau Hans Reinhart le 31 octobre au Théâtre Casino de Zoug en présence du conseiller fédéral Ignazio Cassis.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: Lara Donnet