Emil: "On rit de la même chose en Suisse romande et en Suisse allemande"
Emil, icône indémodable de l'humour helvétique, a réalisé ce que peu ont réussi à faire: réunir les Suisses autour de mêmes sketchs, traduits en allemand et en français. Invité dans La Matinale de la RTS, Emil Steinberger, de son nom complet, se dit le premier surpris.
"On m'avait averti 'Emil, ne fait pas ça, on n'aime pas les Suisses allemands qui parlent le français'. Et c'est vrai, quand j'entends dans le bus des Suisses allemands parler le français, c'est dégueulasse, c'est terrible", rigole l'humoriste. "C'est pourquoi j'avais peur de le faire."
Le cameraman a commencé à tellement rigoler que la caméra s'est mise à trembler
En 1983, Lova Golovtchiner, fondateur du Théâtre Boulimie à Lausanne, lui demande de traduire ses premiers sketchs en français pour la télévision. "La caméra était si grande! J'ai commencé à jouer le Caporal Schnyder. Et tout à coup, cette caméra s'est mise à trembler. J'ai d'abord pensé qu'elle était défectueuse. Mais non, c'était le cameraman qui a commencé à tellement rigoler que la caméra n'était plus tranquille. C'était la preuve qu'on me comprenait en Suisse romande", sourit Emil.
Ancien buraliste postal
Hormis la barrière de la langue, le natif de Lucerne estime que l'on rit des mêmes choses en Suisse romande et en Suisse allemande. "Il n'y a pas du tout une différence. On cherche toujours les différences entre les Suisses allemands et les Suisses romands, mais ça n'existe pas. Nous sommes les mêmes. A part peut-être dans la vie professionnelle. Peut-être qu'on travaille à une autre vitesse en Suisse alémanique", s'amuse-t-il.
Le documentaire "Typisch Emil", qui sortira le 22 janvier en Suisse romande, retrace la vie de l'humoriste. On y apprend que l'humour était loin d'être une évidence pour lui, notamment vis-à-vis de ses parents. "Ça a été un peu dur à la maison, parce que mes parents n'ont pas du tout compris ce que je voulais faire sur scène."
Pour mes parents, travailler derrière le guichet, c'était absolument le maximum que je puisse faire. Pour eux, jouer, c'était faire des bêtises
Emil Steinberger était alors buraliste postal. En 1960, après neuf ans de service derrière le guichet, il démissionne et se lance dans une formation de graphiste pour devenir dessinateur publicitaire. Il débute dans l'humour en autodidacte et fonde à la même période le théâtre "Kleintheater Luzern". Il se lance dans les années 1970 dans le one-man-show — on parlait alors de cabarettiste. Une trajectoire que sa mère a de la peine à accepter.
"Elle était fière de mon poste de buraliste. Pour mes parents, travailler derrière le guichet, c'était absolument le maximum que je puisse faire. Pour eux, jouer, c'était faire des bêtises. Même lorsque j'avais 40 ans, avec du succès en Allemagne. Je pouvais montrer à ma mère que c'était un vrai travail. Mais elle m'a toujours répondu 'pourquoi tu n'es pas resté à la Poste, c'était plus simple?'."
Emil, qui a soufflé sa 92ème bougie lundi, ne souhaite pas encore s'arrêter. "Il faut toujours contrôler si le cerveau est encore actif ou non", s'amuse toutefois l'humoriste. "Mais normalement ça va bien aller, je pourrai toujours faire des spectacles. Le dernier faisait deux heures et demie, c'est assez long!"
Le documentaire "Typisch Emil" est à voir en Suisse romande à partir du 22 janvier 2025
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Version web: Antoine Schaub