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Antigone, héroïne tragique devenue symbole au Proche-Orient

"Des Roses et du Jasmin" dʹAdel Hakim. [comedie.ch - Nabil Boutros]
Théâtre: Antigone en Palestine / Vertigo / 10 min. / le 21 février 2017
La Comédie de Genève accueille le Théâtre national palestinien pour "Des roses et du jasmin", une pièce qui retrace les relations entre arabes et juifs depuis 1944, et "Antigone" de Sophocle, plus brûlante et symbolique que jamais.

Événement théâtral à Genève. La Comédie accueille le Théâtre national palestinien, cette troupe de Jérusalem-Est, qui interprète deux créations signées par le metteur en scène palestinien Adel Hakim, Dans le contexte du Proche-Orient, l'"Antigone" de Sophocle prend des allures de symbole.

Rendez-nous les corps, respectez les morts

La tragédie de Sophocle résonne de manière dramatiquement actuelle au Proche-Orient. Autorités israéliennes et factions palestiniennes se disputent régulièrement les corps de leurs morts. Le Hamas refusant de rendre le corps de soldats de Tashal tués lors d’opérations dans la bande de Gaza.

A l’inverse, les autorités israéliennes sont réticentes à rendre aux familles les corps des Palestiniens qui meurent lors d’attaques sur sol israélien. Dans l’"Antigone" du Théâtre national palestinien, la voix du poète palestinien Mahmoud Darwich vient se mêler aux suppliques des protagonistes: exilé, le poète avait souhaité être enterré sur sa terre natale en Galilée, ce qu’a refusé le gouvernement israélien. Il est aujourd’hui enterré à Ramallah.

Le poète palestinien Mahmoud Darwich en 2001. [Aurimages/AFP - Ulf Andersen]
Le poète palestinien Mahmoud Darwich en 2001. [Aurimages/AFP - Ulf Andersen]

Selon l’écrivain et dramaturge algérien Mohamed Kacimi, proche du metteur en scène Adel Hakim, la solitude d’Antigone et sa détermination évoquent pour les Palestiniens la situation et le non-avancement de leur cause et de leurs revendications à retrouver leurs terres.

Image du spectacle "Antigone" du Théâtre national palestinien. [Nabil Boutros]
Image du spectacle "Antigone" du Théâtre national palestinien. [Nabil Boutros]

Toutes des Antigone

Le personnage inspire et résonne aussi dans d'autres pays. En Syrie une autre création, créé à Beyrouth en 2015, a connu un grand retentissement au Liban comme en France. Dans "Antigone of Shatila", des femmes réfugiées syriennes et palestiniennes du camp libanais de Shatila entrelacent leurs récits personnels avec celui de l’héroïne qui se dresse contre le tyran.

Grâce au théâtre, ces femmes anonymes ont eu ainsi la possibilité de prendre la parole, d’exister comme individus et de témoigner de la perte d’un proche. Polynice, resté sans sépulture décente, symbolise les disparus torturés dans les prisons du président syrien Bachar El-Assad. Le metteur en scène syrien Omar Abusaada a ainsi créé sa version de la tragédie grecque.

Une pièce complexe pour des croyants musulmans

Les pulsions de morts et le suicide de plusieurs personnages de cette tragédie antique – par défi, par amour ou pour cause de désespoir - sont contraires aux principes de l’Islam qui proscrit le suicide. Mohamed Kacimi note toutefois dans un entretien donné à là la RTS, que la situation des réfugiés palestiniens est si désespérées que le suicide est devenu une issue acceptable pour de nombreux jeunes. De même que la perspective de mourir en martyr.

Thierry Sartoretti/mcc

- "Antigone", du 21 au 23 février et "Des roses et du jasmin", 25 février, à la Comédie de Genève. 

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La tragédie grecque

Antigone s’oppose à la volonté du roi Créon. La cité de Thèbes a été mise à feu et à sang à cause de la rivalité des fils d’Œdipe qui se sont entretués pour le trône. Créon enterre celui qui était roi avant lui, mais refuse une sépulture à son rival, Polynice. Une situation intolérable pour sa jeune sœur Antigone qui oppose le respect des lois divines et des morts à celui de la raison d’Etat.

Ce refus est explosif : bravant l’interdit d’enterrement, Antigone est condamnée à mort, son amoureux Hémon, fils de Créon, se suicide, suivi de sa mère Eurydice, l’épouse de Créon. Le roi, qui a tenté trop tard de revenir sur ses décisions, est brisé par le chagrin.

L’impossible Antigone au milieu de la guerre du Liban

En 2013, l’écrivain français Sorj Chalandon imagine Antigone au coeur de la guerre civile libanaise. Dans son roman "Le Quatrième Mur", un metteur en scène juif grec marqué par la Shoah et la dictature des colonels dans son pays d’origine, rêve de jouer cette tragédie dans une salle de théâtre située sur la ligne de démarcation des belligérants.

Chaque camp (chrétiens maronites, druzes, chiites, palestiniens…) fournirait un comédien ou une comédienne. Cette Antigone créerait ainsi une trêve dans les combats de cette année 1982. En 1944, le Français Jean Anouilh avait créé son "Antigone" en pleine occupation allemande de la France. Le metteur en scène grec veut suivre cet exemple en terre libanaise.

Dans ce roman, la tragédie théâtrale est cependant engloutie par une tragédie autrement plus forte: les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila par les phalangistes chrétiens encadrés par l’armée israélienne laquelle vient d’envahir le Liban. Le roman de Sorj Chalandon a obtenu le Goncourt des Lycéens.