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Les Vivian Girls luttent contre l'enfer dans une création de Perrine Valli

La Collection de l’Art Brut, les "Vivian Girls" d'Henry Darger. [Flickr]
Le terrible mystère des Vivian Girls / Nectar / 53 min. / le 26 avril 2017
"L'un à queue fouetteuse", la dernière création de Perrine Valli, met en scène sept fillettes féériques aux super pouvoirs, les Vivian Girls. Rarement spectacle de danse aura été aussi politique, aussi grave et aussi réussi.

Sur scène, entre ombres et lueurs, il y a massacres, haine, fanatisme, possession, sabbat, grandes orgues sorties des profondeurs de l’Enfer et (ouf!) combat libératoire et lumière d’espoir.

Pour se battre contre ce qu’elle nomme "l’obscurantisme", Perrine Valli a trouvé de drôles d’alliées imaginées par une légende de l’art brut américain: des fillettes féériques aux super pouvoirs, les Vivian Girls.

Expurger les attentats de Paris

Avec ce nouveau spectacle pour huit danseurs, la chorégraphe franco-suisse et son musicien Polar expurgent un traumatisme. Celui d’avoir vécu au plus près les attentats terroristes de Paris en 2015.

Des mois plus tard, voici donc "L’un à queue fouetteuse", un spectacle qui a valeur d’exorcisme. En puisant son énergie dans la terreur et l’horreur, il offre rédemption et espoir.

Les attentats et les événements lourds qui ont suivi, comme l’élection de Trump à la présidence des États-Unis ou encore l’autoritarisme du président Erdogan en Turquie, ont créé une vague déferlante de menaces et d’angoisse

Perrine Valli, chorégraphe

Allier féérie et horreur absolue

Comment en sortir? En convoquant un peintre, un ermite, une légende: Henry Darger. Perrine Valli s’est souvenue du choc reçu lors de la découverte des immenses fresques de cet artiste qui a vécu des décennies reclus dans son appartement de Chicago tel un Diogène. La nuit, seul dans ses rêves et ses angoisses, Henry Darger a composé à l’insu de tout le monde les milliers de pages d’une histoire fantastique et les centaines de fresques d’un monde alliant féérie et horreur absolue.

Découverts en 1973, ses "Royaumes de l’Irréel" sont aujourd’hui l’une des œuvres phare de l’art brut et une grande influence sur la création artistique contemporaine, de la peinture à la musique pop. On peut d’ailleurs en trouver un aperçu à Lausanne, au cœur de la Collection de l’Art brut.

>> L'interview de Perrine Valli dans le 12h45 :

L’invitée culturelle: la chorégraphe Perrine Valli parle de son nouveau spectacle "L'un à queue fouetteuse"
L’invitée culturelle: la chorégraphe Perrine Valli parle de son nouveau spectacle « L’un à queue fouetteuse » / 12h45 / 8 min. / le 1 mai 2017

Une lutte contre les ténèbres

Pour créer son nouveau spectacle hanté par le terrorisme et les événements politiques récents, Perrine Valli s’est donc inspirée des mondes fantasmatiques d’Henry Darger dans lesquels des fillettes, symboles d’innocence, sont constamment aux prises avec de terribles guerriers adultes.

Imaginez "Alice aux pays des Merveilles" transportée dans la Guerre de Sécession avec le Marquis de Sade en général ennemi et vous aurez une petite idée des cauchemars imaginés par Henry Darger. L’un de ses tableaux se nomme "L’un à queue fouetteuse". C’est lui qui a donné l’impulsion de la chorégraphie de Perrine Valli dans laquelle danseurs et danseuses battent parfois des bras comme des papillons qui voudraient s’extraire d’un brasier pour ensuite se battre à coup de poings et de pieds contre des démons invisibles surgis des ténèbres.

La musique de Polar

Lors de la première de "L’un à queue fouetteuse" à Genève, on pouvait entendre ceci: installé derrière sa console tel l’organiste d’une cathédrale gothique, le musicien genevois Polar accompagnait en live les huit danseurs avec des nappes de synthétiseurs et des roulements de percussions qui renvoyaient les spectateurs médusés du côté du cinéma fantastique de John Carpenter ou du rock allemand des années 70. Le tout avec des basses sorties des profondeurs du noyau terrestre. Fabuleux !

Thierry Sartoretti/aq

Le spectacle est à voir à l'ADC de Genève jusqu'au 6 mai.

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The Vivian Girls, des fillettes hors norme

Elles se nomment Violet, Joice, Jennie, Catherine, Hettie, Daisy et Evangeline. Elles ont à peu près dix ans, ne sont pas toujours habillées et portent des petits pénis de garçons. Ce sont les Vivian Girls telles qu’imaginées par l’Américain Henry Darger. La nuit, seul dans son appartement, décalquant des figurines découpées dans les journaux, collant, coloriant, dessinant, Henry Darger se racontait à haute voix les batailles terrifiantes qui opposent les Vivian Girls aux affreux militaires adultes glandéliniens.

Les Vivian Girls vivent sur la planète Abbienia où les fleurs et les insectes sont plus grands que les êtres humains. Où veillent aussi les bleggins, des fillettes au corps de dragon et de papillon. C’est un paradis que menacent en permanence les catastrophes météorologiques et la guerre contre les impies et sadiques adultes. Sans cesse, les Vivian Girls doivent se cacher et repartir au combat alors qu’autour d’elles des centaines de fillettes et de scouts sont massacrés et torturés.

"Dans les royaumes de l’irréel", son roman tapé à la machine à écrire, compte près de 15'000 pages illustrées par des centaines de dessins. De son vivant, personne n’a jamais su qu’Henry Darger concoctait pareil chef-d’œuvre. Le jour, cet orphelin né en 1892, échappé d’un asile pour handicapés mentaux, mutique et inoffensif, nettoyait les couloirs d’un hôpital, se rendait plusieurs fois quotidiennement à la messe et accumulait toutes sortes de déchets: journaux périmés, jouets cassés, bobines de fil, etc…

A son décès en 1973, ses voisins découvrent stupéfaits son travail artistique et décident de le préserver. Et aujourd’hui, les Vivian Girls inspirent ou hantent l’imaginaire des artistes et de tous ceux qui sont passés un jour devant une fresque de l’ermite Darger.