Dans ses yeux clairs, il y a la confiance et l’attitude cool du gars du Nouveau Monde. A l’aise partout où il se pose, tutoiement immédiat. Le chapeau de cow-boy avec sa plume d’indien, la guitarlélé (un ukulélé à six cordes) et l’accent québécois font forte impression sur les quais de la gare de Cointrin. Sauf que Jan Dutler est ici chez lui. Enfin presque.
Né et grandi à Richterswil, canton de Zurich, entre village et campagne, où il a pratiqué le solide métier de charpentier avant d’arpenter les rues du Monde comme clown et attraper ainsi un accent indéfinissable qui a une saveur de chemin buissonnier : "Mon accent vient de mes années à Montréal dans l’école de clown de Francine Côté. Soit dit en passant une artiste que j’avais vu comme enfant à Wädenswil sous le chapiteau du Knie !".
Je n’en reviens toujours pas de m’être retrouvé là
Sur la scène de "OVO", l’un des quinze spectacles du Cirque du Soleil qui tournent en permanence dans le monde entier, Jan Dutler a enfilé le costume de l’étranger, "the foreigner": une bestiole à la peau bleue pleine de piquants élastiques dont la présence sème la pagaille au sein d’une société d’insectes multicolores. Le rôle est clownesque et demande des talents de comédien burlesque : "Je n’en reviens toujours pas de m’être retrouvé là."
C’est que Jan Dutler a passé l’essentiel de ses dix dernières années comme artiste de rue, clown, musicien, amuseur, entre le Caucase, les Balkans, la Turquie, l’Australie et finalement le Canada, d’abord en duo, puis en solo, en caravane rustique plutôt qu’à l’hôtel. C’est à la rencontre avec un ami canadien, François-Guillaume Leblanc, qu’il doit son engagement dans le fameux cirque. Leblanc a incarné en premier "l’étranger" dans "OVO" avant de passer le rôle à Jan Dutler.
Pourquoi pas un jour au cirque national suisse Knie, le top du top!
Au sein du plus grand cirque du monde, les spectacles durent parfois plus longtemps que les contrats d’artistes lesquels passent parfois d’une production à l’autre. Pour mémoire, le Cirque du Soleil, ce sont 1500 collaborateurs ! Et "OVO" se joue depuis huit ans, quand bien même c’est la première fois qu’il débarque en Suisse. Le spectacle fut d’abord créé sous chapiteau avant d’être adapté au format XXL des patinoires et autres grandes salles de concert rock.
A fin décembre, Jan Dutler rendra ses antennes d’insecte bleu. La suite se passe en France avec un cours de marionnettes. 31 ans, c’est encore un jeune âge pour un clown et Jan Dutler rêve encore et toujours d’un numéro à lui : "Pourquoi pas un jour au cirque national suisse, le top du top !".
Thierry Sartoretti/olhor
"OVO" par le Cirque du Soleil, Genève, Arena. Jusqu'au 15 octobre.
"OVO", un spectacle qui fait un effet œuf
Oui "OVO", pas comme la fameuse boisson de chez nous, mais comme l’œuf, en portugais. La couleur de ce spectacle est plutôt brésilienne, très exotica avec son ambiance de jungle tropicale et une troupe circassienne qui se décline en bestiaire d’insectes : araignées, fourmis, scarabées, papillons, lucioles, libellules, coccinelle, etc.
Pour lier tous les numéros de voltige, trampoline, fil de fer, tissus, mat chinois et autre trapèze, les concepteurs d’"OVO" ont imaginé une histoire d’œuf apporté par une bébête étrangère toute bleue qui mettra deux heures à se faire accepter par la communauté des bestioles multicolores.
Le Cirque du Soleil aurait-il osé un spectacle politique ?
Si vous considérez un dessin animé comme "Madagascar" ou "Minuscule" comme politique, alors disons oui. Le principe premier reste toutefois l’entertainment à l’américaine. En la matière, "OVO" est un must: musique excellente jouée live et dans tous les styles, du balkanique au trip-hop en passant bien sûr - thème oblige - par les musiques latina.
Les visuels sont hypnotiques, quasi psychédéliques, Les numéros d’acrobatie sont réglés à la nano seconde avec des enchaînements malicieux qui font de ce spectacle un show de cirque autant qu’une comédie musicale.
Les costumes sont également époustouflants, bref c’est parfait, parfois presque trop, au point d’être un peu lisse. Un seul bémol pour les fans de cirque traditionnel: en comparaison, les numéros du Knie sont techniquement plus époustouflants que ceux du Soleil. Mais il est compréhensible qu’on ne puisse pas exiger d’un acrobate qu’il mène à la fois un show à la Michael Jackson et se lance dans un quintuple saut périlleux.