Dans le vocabulaire de la marine à voile, un sloop est un navire plutôt léger pourvu d’un seul grand mat et d’une seule voile d’avant, le foc. Dans le lexique du Théâtre Le Poche, le sloop désigne lui aussi une embarcation légère qui n’est pas une galère: dans un laps de temps rapide, une troupe de comédiens doit s'emparer de plusieurs textes inédits et les porter à la scène. Le décor est souvent identique ou presque. Seuls changent les metteurs en scène. Un par texte. La formule est l'oeuvre du directeur de ce théâtre genevois, Mathieu Bertholet.
Des pièces inédites en Europe
A l’affiche ces jours-ci, "Arlette", une sorte d’autoportrait en mode fantasmatique de l’auteure romande Antoinette Rychner. "Voiture américaine", un texte de la Canadienne Catherine Léger contant une apocalypse économique. Et enfin un autre texte québecois, "Moule Robert", qui aborde la question très actuelle d’une plainte pour viol dans un lycée. Point commun de ces trois créations: elles sont toutes inédites en Europe et partagent, en dépit de la gravité de leur sujet, un même ton décalé et ironique qui prend de belles libertés en mélangeant les réalités, les rêves et les temporalités. A la barre de ces trois spectacles, Pascale Güdel, Joan Mompart et Fabrice Gorgerat, dont on apprécie les mises en scènes dans toute la Suisse romande.
Triple surprise
La formule sloop, c’est une triple surprise garantie. Pour le public qui découvre des pièces nouvelles. Pour les comédiens qui jouent un texte qui n’a connu aucun précédent. Et pour les auteurs qui peuvent entendre pour la première fois (dans le cas de la pièce "Arlette") leurs personnages dans la peau d’une comédienne ou d’un comédien. "C’est une expérience étrange, intimidante et très enrichissante, de jouer devant son auteure", note la comédienne Céline Nidegger, embarquée à bord de ce sloop théâtral avec sept autres interprètes. Il s’en suit un échange rare au théâtre: "Certains auteurs sont surpris du résultat. Parfois c’est moi qui ai besoin d'explications sur une phrase ou une intention."
Des pièces qui évoquent le présent
C’est la cinquième fois que le Théâtre Le Poche se lance dans un sloop. Fraîches, courtes, toutes ces pièces ne sont pas encore passées à la postérité. Certaines partent en tournée, d’autres sont promises à de nouvelles interprétations, quelques unes resteront confinées à ce premier rendez-vous avec un public. Une chose est sûre: l’expérience illustre la vitalité de l’écriture théâtrale contemporaine et donne à entendre des pièces qui parlent de notre présent. Qu'il s'agisse des réseaux sociaux, des habitats partagés, du terrorisme, de la migration, de la surconsommation ou encore des décharges africaines d'appareils électroniques, autant de thèmes abordés sur le plateau de ce théâtre genevois.
Thierry Sartoretti/mh
"_sloop5 machines du réel", Théâtre Le Poche, Genève, jusqu'au 28 janvier 2018.