Des tableaux vivants. Ils vibrent devant nous. Cœur écarlate, tête fleurie, mort bigarrée et douleur digne, les autoportraits de Frida Kahlo existent bel et bien en chair et en os. On peut les rencontrer chaque soir au théâtre sous les traits d’un duo de sœurs jumelles. L'une parle, l'autre pas.
La comédienne Martine Corbat raconte sa vie et la plasticienne Yangalie Kohlbrenner recrée les œuvres en direct et en trois dimensions. Ils saisissent, ces tableaux vivants de la pièce "Frida Kahlo, autoportrait d'une femme". A tel point que certaines spectatrices oublient qu'elles assistent à un spectacle et prennent des photos de la scène comme on capturerait une peinture dans un musée. Où le passage fugace d'un animal fantastique croisé au fond d'un bois.
Un spectacle biographique
Martine Corbat et Yangalie Kohlbrenner sont donc Frida. La mythique, l'écorchée, la militante, la rafistolée de partout, dont le corps meurtri par la maladie et l'accident n'est plus qu'un champ de bataille qui résiste encore et toujours.
Mis en scène par Yvan Rihs et Martine Corbat, ce spectacle puise ses textes dans la biographie de la Mexicaine Rauda Jamis. Pas de Frida sans son Diego Riviera, le peintre des fresques mexicaines révolutionnaires, le géant à l'appétit (sexuel) d'ogre, son rocher masculin autant que son caillou macho dans sa bottine. Et ça tombe bien, voici un comédien de taille nommé Diego… Todeschini. Il joue Riviera, et les autres hommes qui ont traversé la vie de Frida Kahlo: l'amant Trotski, les fans André Breton, Picasso et Max Ernst.
Le ton est à la farce, au comique, dans une manière de jouer qui rappelle les quelques troupes latino-américaines que l'on a pu voir en tournée romande.
Portrait d'une héroïne
Le ton de la pièce est vif, gouailleur. On peut s'en étonner. Les peintures et les photographies de Frida Kahlo la représentent toujours lèvres pincées, mine fière et sévère: "Sa biographe explique qu'elle ne souriait jamais sur les photos, car elle avait une dentition en très mauvais état", explique Martine Corbat. C'était donc de la pudeur, pas de l'orgueil.
Sur scène, pour incarner un Mexique fantasmagorique et célébrer dignement l'héroïne du jour, il y a Pierre Omer et Julien Israélian, duo de musiciens capables de jouer la comédie et d'empoigner accordéon, guitares, piano de bastringue et percussions de mariachis.
Triptyque de Frida Kahlo
Passionnée par les questions de genre et d'identités, Martine Corbat s'est lancée dans un triptyque autour de la figure de Frida Kahlo.
En plus de la pièce, très biographique, elle aborde le mythe via des lectures-concerts et bientôt par un spectacle de marionnettes pour les enfants. Oui, on peut aussi raconter l'histoire de cette rebelle féministe et révolutionnaire à des petits. A sa façon, Frida Kahlo avait le port d'une princesse.
Thierry Sartoretti/ld
"Frida Kahlo, autoportrait d'une femme" en tournée romande: A Genève, Théâtre du Galpon jusqu'au 22 avril; Delémont, CCRD, le 27 avril; Saignelégier, Espace culturel Le Soleil, le 5 mai; Yverdon-les-Bains, L'Echandole, le 15 mai; Lausanne, CPO, les 17 et le 18 mai. Puis en 2019, Petit-Lancy, salle communale, le 9 mars; Rolle, Casino Théâtre, le 22 mars.