Tout part d’une photo de classe. La classe enfantine de la régente Monique. Oui, dans le Valais des années 70, quand un enfant voulait parler à sa maîtresse, il devait lever le doigt et dire "Madame la régente…" Sur ce tirage en couleurs, ils sont une trentaine à poser devant une grange dans le préau de l’école de Chermignon. Certains prénoms fleurent bon un Valais solidement enraciné: Jean-Natal, Marie-Laurence, Arsène, Claude-Aimé ou encore Marie-Pascale. Assis au deuxième rang, hilare et bien peigné, Pierre-Isaïe Duc, futur comédien, futur metteur en scène de "Génération".
J’ai voulu savoir ce qui nous reliait encore quarante ans plus tard. Et pourquoi, dès qu'on se croise, on se reconnaît tout de suite. Chaque visage de cette photographie m’est resté familier. Je n’ai oublié personne.
Des paroles au texte
Ils sont à peine quatre à avoir quitté le canton. La plupart réside toujours sur la commune, certains dans la maison de leurs parents, celle de leur enfance. "Je les ai tous retrouvés et leur ai posé des questions. Sans tabou, sans chercher à polémiser. Sur leur vie, la politique, la religion, l’amour, le sexe, le travail… Leurs paroles ont donné naissance à un texte que je vais lire en public."
Les clans de Chermignon
Pierre-Isaïe Duc avait déjà abordé lors d’un précédent spectacle son lien à Chermignon. Dans "Le Chant du bouquetin", déguisé en homme de paille hérensard, il racontait ce jour mythique où la fanfare ne s’était pas arrêtée devant le bistrot de son père. Une affaire "compliquée". A Chermignon, on fait partie d’un clan. Il y en a deux, selon vos origines familiales: les blancs, les jaunes. Et dans ce village où faire de la politique se dit "cabaler", les deux fanfares, une par clan (l’ancienne Cécilia et la Cécilia) ont attendu un siècle avant de jouer ensemble pour la première fois. C’était l’an passé.
L'évolution d'un village
Porte-parole d’une génération de Chermignon, Pierre-Isaïe Duc s’intéresse à l’intime et son portrait touche dès lors à l’universel. Parler de cette classe, c’est raconter l’évolution d’un village, d’un canton, d’un pays. C’est dire le temps qui passe. Dans la salle de théâtre du TLH-Sierre, la plupart des camarades de classe de la régente Monique seront présents. Possible, qu’ils et elles rejoignent sur scène le comédien pour reformer, quarante ans plus tard, cette photo de classe où abondent les pulls rouges, que l’on soit blanc ou jaune. Pour qu'on les reconnaisse bien au milieu de la photo.
Thierry Sartoretti/mh
"Génération", TLH Sierre, 2 juin 2018 à 19h