Diagnostiquée hystérique en 1875, Augustine est la patiente la plus connue du célèbre docteur Jean Martin Charcot, homme visionnaire considéré comme le père de la neurologie moderne.
Entrée à l’hôpital de la Salpêtrière de Paris a 15 ans, elle y reste de nombreuses années, et fait l’objet de multiples expérimentations scientifiques lors des fameuses "leçons du mardi" du professeur Charcot qui attiraient chaque semaine une foule de médecins et de curieux.
Star et phénomène de foire
Les médecins n'écoutent pas la malade, mais la scrutent, la photographient, la dessinent et mettent en scène ses moments de crise pour le grand public. Augustine, comme d’autres hystériques de cette époque, est à la fois une star et un phénomène de foire.
Celle que son mentor décrivait comme "une oeuvre d'art vivante" a fasciné et inspiré beaucoup d’artistes. Récemment le film "Augustine" d'Alice Winocour sorti en 2012 racontait la relation équivoque qui existait entre Charcot joué par Vincent Lindon et la jeune fille interprétée par Soko.
Dénoncer la théâtralisation de l'hystérie
En 2017, Ariane Moret, comédienne et metteure en scène, découvre par l'intermédiaire de Séverine Magois, traductrice française de Daniel Keene, "Photographies de A", un monologue qui plonge dans la tête d'Augustine.
Publié en 2007, le texte de l'auteur australien dénonce la théâtralisation d'un être humain vulnérable atteint d'hystérie, une maladie aujourd'hui disparue des livres de médecine. Et à travers l'histoire d'Augustine, Daniel Keene interroge aussi la place de la femme dans cette société française de la fin d'un 19e siècle encore très patriarcale.
Soif du spectaculaire
"Au sortir de ma lecture, je suis à la fois interdite et subjuguée" écrit la comédienne dans le texte de présentation de la pièce. Elle décide alors de porter au théâtre cette histoire qui "offre un matériau rêvé pour qui s'attache à traquer sur scène les méandres de l'inconscient".
Ce que je souhaite pointer avec notre spectacle, c’est la "soif du spectaculaire" qui est à l’oeuvre dans notre société depuis la nuit des temps.
Sur scène, Ariane Moret, accompagnée au violon électrique par la comédienne et musicienne belge Catherine Graindorge, s'expose au public et se prête en direct au jeu de la photographie. Jouant avec le texte, l'image, le son et la vidéo, la comédienne propose une performance pluridisciplinaire autour du regard et de la folie hystérique.
Deux comédiennes pour interpréter Augustine et son inconscient, son double, pour un spectacle à la mise en scène complexe et audacieuse.
Dans le texte de présentation de "Photographies de A", il est indiqué que les âmes sensibles doivent s'abstenir. Ou se souvenir que dans la réalité Augustine est finalement parvenue à s'enfuir de l’hôpital de la Salpêtrière en 1885... déguisée en homme.
Sujets radio: Laurence Froidevaux
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente
"Photographies de A", du 18 au 22 septembre 2018 au Théâtre de lʹOriental à Vevey et du 30 octobre au 11 novembre au Théâtre Pulloff à Lausanne