Depuis trois semaines, c’est un ballet de camions et de techniciens. Lausanne prépare la venue de la troupe française du Théâtre du Soleil. Le titre a beau parler d’une "chambre en Inde", on est plutôt dans le gigantisme, en tout cas à l’échelle du théâtre.
Le lieu d’accueil d’abord. Inhabituel pour une pièce de théâtre: la halle 7 du Palais de Beaulieu de Lausanne. Du large, XXL. Dans lequel on a placé des gradins pour environ 500 spectateurs qui feront face à un vaste plateau. La chambre proprement dite fait 18 mètres de large. Il faut bien ça pour accueillir la troupe du Soleil qui compte 65 personnes, dont 34 comédiennes et comédiens escortés de huit poids lourds de matériel de scène.
Une institution du théâtre français
Depuis quelques jours, la metteuse Ariane Mnouchkine répète le spectacle dans un lieu transformé qui se veut une évocation du Théâtre du Soleil.
Cette institution du théâtre français ne doit pas être confondue avec le cirque québécois du même nom. Voici un survivant des utopies des années 60. Avec un esprit de coopérative, une volonté révolutionnaire pour l’époque d’abattre les hiérarchies et les distances entre comédiens, techniciens et public. Les uns et les autres se rencontrent avant, pendant et après le spectacle.
Qui dit utopie, dit lieu pour la réaliser: en 1970, le Soleil s’est installé en banlieue parisienne, dans une ancienne usine militaire abandonnée à l’orée du bois de Vincennes, La Cartoucherie. Il y est toujours. C’est là, notamment, qu’un certain Omar Porras venu de Colombie a fait ses premières armes en Europe.
Un événement rare
Aujourd’hui, on doit à l’énergie de ce fan, désormais directeur du Théâtre TKM à Renens, la création d’une "Association pour la venue d’Une Chambre en Inde" tout spécialement dédiée à cet événement rare.
Le Théâtre du Soleil, c’est un répertoire qui comprend les grands classiques du théâtre et des épopées ouvertes sur les cultures du monde entier, en particulier de l’Inde, une terre de prédilection pour Ariane Mnouchkine.
"Une Chambre en Inde" est à ce titre emblématique, presque l’aboutissement d’une démarche: en 3h30, ce spectacle-fleuve part de l’Inde, du désarroi d’une troupe laissée sans metteur en scène, pour empoigner à peu près tous les problèmes du monde actuel.
Thierry Sartoretti/aq
"Une Chambre en Inde" à voir du 24 octobre au 18 novembre, Palais de Beaulieu, Lausanne
"Une Chambre en Inde"
"Une Chambre en Inde" est l’histoire de Cornélia qui, devant prendre au pied levé la tête d’une troupe de théâtre et remplacer le metteur en scène, Lear, sous le choc des attentats de novembre 2015, se voit confier la mission de construire un spectacle sur l’état du monde. Par où commencer? "Le sort abominable fait aux femmes", "la pauvreté", "la montée des violences", "la guerre de l’eau", "les victoires des Théocraties", "la faiblesse des Démocraties qui ne défendent plus leurs valeurs"? Se déploie alors un kaléidoscope de visions cathartiques, un spectacle épique et hors du commun où 34 comédiens de treize nationalités différentes font fleurir derrière le cauchemar, le rêve.