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Une "démocratie vivante" a besoin de citoyens insatisfaits, selon le politologue Marc Bühlmann

L'invité de La Matinale - Marc Bühlmann, directeur de l'Année Politique Suisse (version courte)
L'invité de La Matinale - Marc Bühlmann, directeur de l'Année Politique Suisse (version courte) / L'actu en vidéo / 3 min. / le 30 août 2023
Une vaste enquête, mandatée par la SSR, s'est intéressée à l'état d'esprit des résidentes et résidents en Suisse lors du premier trimestre de l'année 2023. Marc Bühlmann, politologue et invité de La Matinale mercredi, a souligné en quoi le bonheur des Suisses influence la vie politique du pays.

Les résultats du sondage, auquel près de 58'000 personnes ont pris part, montrent que seuls 5% des résidents en Suisse se disent malheureux. Il ne s'agit pas d'une surprise pour Marc Bühlmann, puisque la Suisse est "toujours l'un des pays les plus heureux de la Terre", en comparaison avec les autres Etats.

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Toutefois, la vie professionnelle est vue de manière plus négative dans l'enquête d'opinion réalisée par l'institut gfs.bern pour le compte de la SSR. Le directeur de l'Année politique suisse, une publication de référence dans l'analyse de la vie politique suisse, indique qu'au-delà du "bonheur personnel", la probabilité de pouvoir "réaliser" ce que l'on souhaite est plus complexe dans le monde du travail que dans la sphère privée ou politique.

Les sujets à débats ne minent pas, au contraire de l'emploi, le contentement général des Suisses. Les individus ne se préoccupent pas chaque jour du changement climatique ou de la guerre, à l'instar des partis politiques et des médias. Le rôle de ces derniers est de "montrer les choses qui ne vont pas très bien" afin de "réfléchir à ces thématiques", souligne Marc Bühlmann.

L'insatisfaction comme moteur politique

Pour engendrer du changement, une "démocratie vivante" nécessite des citoyennes et citoyens insatisfaits, ayant l'aptitude ou la volonté de changer quelque chose. Le politologue indique qu'il existe aujourd'hui de nombreux intérêts divergents, mais qu'il est difficile de procéder à des changements en Suisse.

Les personnes le souhaitant doivent prouver aux autres individus, heureux et "conservateurs" - sans sens idéologique, mais qui souhaitent garder ce qu'ils possèdent déjà - qu'il existe un problème.

Urgence d'agir

Cette inertie peut-elle entrer en collision avec les enjeux actuels auxquels est confrontée la Suisse, dont la crise climatique? Marc Bühlmann précise que le narratif de la nécessité d'agir constitue un "élément principal de la politique" depuis les années soixante et septante, et les changements "illico presto" sont plutôt les fruits de dictatures.

Les individus, en fonction de leur positionnement sur l'échiquier politique, ne sont pas forcément d'accord lorsqu'un parti exige une solution d'urgence pour un problème spécifique, indique le spécialiste.

Stabilité générale

Le système politique suisse reste donc stable, notamment grâce au niveau de bonheur général. Des discours et des débats sont engendrés paisiblement, notamment avec l'outil de la démocratie directe, et les changements sont lents. Le taux de satisfaction engendre également une faible participation - environ 50% - lors des élections fédérales.

Concernant la véracité des résultats du sondage réalisé pour la SSR, le politologue de l'Université de Berne se montre prudent. Les personnes plus méfiantes de la science et des médias, "à moitié satisfaites", ne participent pas à ces enquêtes. Malgré un nombre élevé de participantes et participants, il est ainsi difficile d'être réellement représentatif de la population résidant en Suisse.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Mérande Gutfreund

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