Dans l'accord final de la COP28, âprement débattu, il y a juste assez de formulations générales pour afficher une ambition sans se donner de manière claire les moyens de la réaliser. Le texte approuvé mercredi mentionne toutes les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) mais ne parle pas de "phase out" (suppression progressive), un terme réclamé depuis des mois par une centaine de pays et des milliers d'ONG mais qui faisait office de drapeau rouge pour certains États pétroliers, notamment.
Sinon, l'accord avance que les pays doivent se détourner des combustibles fossiles pour que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5 degré d'ici 2100 puisse toujours être atteint. Mais de nombreux experts, dont ceux du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE), ont pointé du doigt qu'il était déjà trop tard pour ne pas dépasser cette limite-ci, qui avait été fixée en 2015 à la COP21 de Paris. Selon François Gemenne, co-auteur du 6ème rapport du GIEC, le seuil de concentration des gaz à effet de serre qui correspond à une hausse de 1,5 degré est de 350 parties par million (ppm). Il a été franchi vers le milieu des années 80. Nous sommes aujourd'hui autour de 421 ppm, et chaque année nous prenons environ 2,6 ppm supplémentaires.
Et les faits ne manquent pas pour plaider en faveur d’une action encore plus rapide contre le réchauffement climatique: 2023 devrait non seulement être l’année la plus chaude depuis le début des mesures, mais aussi celle où les émissions de CO2 d’origine humaine sont les plus élevées: 36,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone ont été émises, selon l’étude "Global Carbon Budget 2023" publiée cette année.
Une COP aux allures de WEF
A Dubaï, quelque 97'000 participants venus de près de 200 nations se sont retrouvés à l'ombre du Burj Khalifa. Parmi eux, un nombre record de représentants d'entreprises privées qui ont voyagé des quatre coins du monde pour assister à cet événement majeur. Ce qui a donné une allure de World Economic Forum à l'événement écologiste. Et la prochaine COP est déjà prévue... en Azerbaïdjan, un grand Etat producteur de pétrole et de surtout de gaz.
Au vu des résultats finaux de l'accord signé mercredi et du poids prépondérant qu'occupent les entreprises privées et les Etats pro-pétrole dans ces COP, doit-on douter de l'utilité de ces réunions annuelles?
Et en Suisse?
Malgré les "efforts" revendiqués ou entrepris partout autour du globe, les émissions continuent donc d’augmenter. Est-il temps de démissionner? "Non", pensent du moins une grande partie des Suissesses et des Suisses. Dans l’enquête "Comment va la Suisse?", réalisée par l'institut gfs.bern pour la SSR au printemps 2023, seuls 10% des personnes interrogées estiment que le changement climatique est imparable et que l’on ne peut rien y faire. 24% sont partiellement d'accord avec cette affirmation. A l’inverse, près des deux tiers (65%) des personnes interrogées pensent que l'on peut stopper cette dynamique climatique.
Le conseiller fédéral Albert Rösti, également chargé des questions environnementales et climatiques, s'est rendu à la conférence à Dubaï. Au nom du Conseil fédéral, il a appelé la communauté mondiale à dire adieu au charbon, au pétrole et au gaz, à tripler l'utilisation des sources d'énergie renouvelables et à doubler leur efficacité d'ici 2030.
Le conseiller fédéral UDC a également souligné ce que la Suisse fait déjà pour lutter contre le changement climatique. Il a appelé les autres pays à en faire davantage.
Est-il approprié de penser que la Suisse peut se reposer sur ses lauriers et que les autres pays doivent "rattraper leur retard" en matière de protection du climat? La majorité des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête "Comment va la Suisse?" le voit tout à fait différemment: près des trois quarts des personnes interrogées (72%) sont plutôt ou totalement d'avis que la Suisse a une responsabilité dans la lutte contre le changement climatique, même si d'autres pays ne suivent pas son exemple.
Et 69% des personnes interrogées considèrent le changement climatique comme un problème sérieux et pensent qu'il est nécessaire d'agir immédiatement – alors que seulement 10% pensent que l'homme peut facilement s'adapter au changement climatique.
Matthias Hug (SRF), Julien Furrer (RTS)