Modifié

Comment les fils de Vladimir Poutine, dont l'un est né au Tessin, vivent dans une prison dorée

Vladimir Poutine et Alina Kabaeva au Kremlin en 2004. [REUTERS/ITAR-TASS/PRESIDENTIAL PRESS SERVICE]
Vladimir Poutine et Alina Kabaeva au Kremlin en 2004. - [REUTERS/ITAR-TASS/PRESIDENTIAL PRESS SERVICE]
"The Dossier Center", un site web spécialisé dans le suivi des activités criminelles des personnes liées au Kremlin, a confirmé que l'un des fils du président russe Vladimir Poutine est né en Suisse en 2015. L'enquête, publiée mercredi, fournit également des informations rares sur les conditions de vie des deux fils du couple, aujourd'hui âgés de neuf et cinq ans, dans leur résidence au bord du lac Valdai, dans le centre de la Russie.

Vladimir Poutine a divorcé de sa femme Lyudmila en 2013, mais n'a jamais reconnu publiquement sa relation avec l'ancienne gymnaste Alina Kabaeva. Leur relation a suscité l'intérêt de beaucoup de médias et il y a eu de nombreuses spéculations sur le lieu de naissance de leurs fils. En mai 2022, la SonntagsZeitung déclarait que le couple avait eu deux fils, le premier étant né en Suisse: une information qui n'a jamais été confirmée officiellement.

Dans une interview accordée à swissinfo.ch (SWI), Sergei Pugachev, ancien conseiller de Poutine, a indirectement confirmé l'information. "Tout le monde en Russie sait qu'Alina Kabaeva est, pour ainsi dire, sa femme depuis le divorce de Poutine. Et il serait normal qu'elle ait accouché en Suisse. Ses enfants aînés étudient à l'étranger". La Suisse est depuis longtemps une destination privilégiée des riches citoyennes russes pour accoucher. Les femmes russes se disent attirées par la qualité des soins fournis par les cliniques privées du pays.

Dans un précédent article sur les femmes russes accouchant à l'étranger, SWI avait noté que le site web de la clinique Sant'Anna de Lugano annonçait qu'elle accouchait "des enfants des principaux dirigeants russes". À l'époque, personne n'avait été en mesure de confirmer que le fils de Poutine était né dans cette clinique.

Les multiples voyages d'Alina Kabaeva en Suisse

Selon l'enquête de Dossier Center, Alina Kabaeva s'est rendue à Lugano à trois reprises en 2014. Lors de son dernier voyage, elle était accompagnée de Natalia Thiebaud*, une gynécologue d'origine russe de la clinique Sant'Anna. "Il y avait un gynécologue russophone à la clinique de Lugano. Nous pouvons supposer qu'il s'agissait d'un facteur supplémentaire pour les hommes d'affaires russes lorsqu'ils choisissaient un pays pour que leur femme accouche", estime Ilya Rozhdestvensky, journaliste au Dossier Center.

La Clinique Sant'Anna à Lugano, Suisse, 2015. [KEYSTONE - SAMUEL GOLAY]
La Clinique Sant'Anna à Lugano, Suisse, 2015. [KEYSTONE - SAMUEL GOLAY]

Au printemps 2015, Aline Kabaeva a donné naissance à son premier fils, Ivan, dans cette même clinique, a indiqué la source du Dossier Center, un membre du personnel de maison de Poutine. En 2018, l'ancienne gymnaste se serait de nouveau rendue en Suisse pour un contrôle prénatal. Au printemps 2019, la gynécologue suisse se serait rendue à Moscou pour accoucher le deuxième enfant d'Alina Kabaeva. "Nous avons consulté les données de vol d'Alina Kabaeva et vérifié qu'elle s'est rendue en Suisse, notamment avec la gynécologue Natalia Thiebaud. La gynécologue s'est également rendue en Russie à peu près au moment où Alina Kabaeva devait accoucher de son deuxième enfant," précise la journaliste de Dossier Center.

Les enfants de Poutine vivent isolés

The Dossier Center a également révélé les prénoms des fils du couple: il s'agit d'Ivan et de Vladimir. L'enquête indique qu'ils vivent isolés sous la protection du Service fédéral de protection russe. Les garçons ne voient que rarement leurs parents et ne rencontrent d'autres enfants que pendant les vacances, principalement ceux des amis d'Alina Kabaeva. Ils voyagent en jet privé, sur des yachts et dans des trains blindés. Ils sont éduqués par des gouvernantes, des professeurs de sport et des nounous. Presque chaque résidence comprend un complexe sportif avec une salle de gymnastique et une piscine, et parfois même une patinoire de hockey. Des entraîneurs personnels se chargent des entraînements de natation et de gymnastique.

Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la préférence a été donnée aux enseignants d'Afrique du Sud, qui est considérée comme un Etat "ami". Cependant, Ivan et Vladimir ont également des enseignants avec des passeports britanniques et néo-zélandais. Selon les enquêteurs, les dix enseignants étrangers des enfants de Poutine sont payés entre 330'000 et 1,2 million de roubles (entre 3138 et 11'574 francs suisses) par mois.

Les professeurs sont embauchés par l'agence English Nanny, qui sélectionne du personnel pour les familles russes aisées. Selon les conditions de l’employeur, il est interdit aux éducateurs de quitter la résidence. L'offre d'emploi indique que la famille "vit isolée" dans la région de Saint-Pétersbourg. Par ailleurs, l’enquête du Dossier Center révèle que les salaires des enseignants sont traités dans les cliniques du réseau MMC (My Medical Center, anciennement SOGAZ), où les amis et proches du président reçoivent également des soins médicaux. Les contrats avec les gouvernantes sont formalisés comme s'il s'agissait de traductrices.

Des difficultés de s'entendre avec la famille

The Dossier Center rapporte également qu'il est plutôt facile d'obtenir un emploi dans la famille de Poutine: les postes vacants sont annoncés publiquement et tout le monde peut postuler. Par exemple, au début de l'année 2024, la famille recherchait un professeur d'anglais pour vivre avec ses deux fils, âgés de quatre et huit ans. Un travail de cinq jours par semaine, totalisant 60 heures, avec des tâches comprenant "l'enseignement d'autres matières" et l'accompagnement des enfants en voyage, pour un salaire de 7700 euros mensuel. L'agence précise qu'elle travaille depuis longtemps avec cette famille et qu'elle lui a déjà trouvé plusieurs professeurs d'anglais et d'allemand.

La famille a également constamment besoin de nouveaux enseignants, avec un turnover lié aux difficultés de s'entendre avec la famille, selon une source du personnel de maison. D'autre part, le nombre d'étrangers désireux de travailler en Russie, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine, est limité. Enfin, beaucoup ont entendu parler des conditions strictes d'isolement, comme indiqué dans l'enquête.

Virginie Mangin (SWI)

*Natalia Thiebaud ne travaille plus sous son nom de mariée. Selon les médias suisses, elle est décédée en 2023.

Publié Modifié

Regarder au-delà des frontières linguistiques avec "dialogue"

Cet article est initialement paru en anglais sur le site de Swissinfo et a été traduit par la rédaction de "dialogue". Vous pouvez lire l'article original sur le site de SWI.

"Dialogue" est une offre de la SSR qui propose une plateforme de débats ainsi qu'un échange de contenus afin de créer des ponts entre les personnes de toutes les régions linguistiques et les Suisses de l'étranger