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De la danse macabre à la fourmi, ces billets de banque suisses devenus mythiques

La 6e série de billets de banque suisses, lancée en 1976, est devenue mythique, en particulier le billet de 1000 francs, souvent surnommé la "fourmi". [KEYSTONE - MARTIN RUETSCHI]
La 6e série de billets de banque suisses, lancée en 1976, est devenue mythique, en particulier le billet de 1000 francs, souvent surnommé la "fourmi". - [KEYSTONE - MARTIN RUETSCHI]
Fin octobre, la Banque nationale suisse a lancé un concours pour la conception des billets de la dixième série, qui remplaceront les billets actuellement en circulation. L'occasion de se pencher sur quelques-unes des coupures qui ont marqué l'imaginaire collectif.

"La Suisse, tout en relief": tel est le thème auquel devront se conformer les graphistes qui souhaitent participer au concours pour la future série de billets. Cette dernière "reflétera la topographie unique du territoire, depuis le Jura jusqu'aux Alpes, en passant par le Plateau", a expliqué le 30 octobre Martin Schlegel, président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS).

>> Lire aussi : La BNS lance un concours pour la prochaine série de billets de banque

L'annonce peut sembler prématurée. La dernière coupure de la série actuelle - le billet de 100 francs - n'est en circulation que depuis 2019, année où les mains collectant de l'eau - symbole de la tradition humanitaire helvétique - ont supplanté le visage d'Alberto Giacometti. Un repos bien mérité, diront les plus malicieux, au vu des cernes que l'artiste grison avait sur la photo choisie.

Mais tout se déroule comme prévu, assure la BNS, qui apporte le plus grand soin à la conception et à la production de tous ses billets de banque. Le concours sur le thème "La Suisse ouverte sur le monde", à l'origine de la neuvième série, avait été lancé en 2005, onze ans avant la mise en circulation du premier billet. La banque centrale prend son temps, et avec un certain succès: le billet de 50 francs a été nommé "meilleur billet de l'année" par l'International Bank Note Society en 2016 et celui de 10 francs a obtenu le titre en 2017.

Les billets de banque de la neuvième série sont souvent loués pour leur beauté et leur qualité, mais ils n'ont pas (encore) la renommée de certaines coupures plus anciennes. [KEYSTONE - GAETAN BALLY]
Les billets de banque de la neuvième série sont souvent loués pour leur beauté et leur qualité, mais ils n'ont pas (encore) la renommée de certaines coupures plus anciennes. [KEYSTONE - GAETAN BALLY]

Néanmoins, la série actuelle de billets n'a pas (encore) la même aura que certaines coupures plus anciennes devenues emblématiques. Ainsi, on a pu parfois entendre quelqu'un parler de "trois Giacometti" comme synonyme de 300 francs, mais jamais personne n'a dit "ça m'a coûté trois bisses d'Ayent", en référence à l'installation d'irrigation représentée sur le billet de 100 francs.

Aux côtés d'Alberto Giacometti, d'autres billets de la même série - la huitième - sont passés à la postérité: le billet de 10 francs bâti autour de la figure de l'architecte Le Corbusier ou encore la coupure de 50 francs sur laquelle trône Sophie Taeuber-Arp. Pour les personnes moins familières de l'art abstrait du XXe siècle, cette dernière est peut-être moins connue que les deux autres figures citées, mais elle reste la seule femme jamais représentée sur un billet helvétique.

Figures animales

Cependant, pour trouver les billets les plus iconiques, il faut remonter encore un peu dans le temps, jusqu'à la sixième série, lancée entre 1976 et 1979 (la septième étant une série de réserve qui n'a jamais été mise en circulation). On y trouve notamment le mathématicien Leonhard Euler sur le billet de 10 francs et l'architecte de l'époque baroque Francesco Borromini sur celui de 100 francs.

Au-delà des personnalités historiques, la sixième série est surtout marquée par les animaux: le hibou au verso du billet de 50 francs et, bien sûr, les fourmis sur le billet de 1000 francs. La personnalité représentée sur la plus grande coupure est le psychiatre, neurologue et entomologiste Auguste Forel, célèbre pour ses études sur les structures cérébrales de l'homme et, naturellement, des fourmis.

Le Suisse moyen ne connaît pas l'œuvre de Forel, mais le billet sur lequel il est représenté est peut-être le plus emblématique jamais imprimé en Suisse. Dire "la fourmi" pour désigner le billet de 1000 francs est rapidement devenu une habitude, à tel point que ce surnom est resté même après le remplacement de la sixième série.

Le fameux billet de 1000 francs de la sixième série (1976) représentant, au verso, trois fourmis ainsi que la coupe verticale d'une fourmilière ; au recto, on trouve un portrait du psychiatre, neurologue et entomologiste Auguste Forel (1848-1931). [Banque nationale suisse (BNS)]
Le fameux billet de 1000 francs de la sixième série (1976) représentant, au verso, trois fourmis ainsi que la coupe verticale d'une fourmilière ; au recto, on trouve un portrait du psychiatre, neurologue et entomologiste Auguste Forel (1848-1931). [Banque nationale suisse (BNS)]

Danse macabre

Un autre billet, plus ancien encore, a acquis une certaine renommée: le billet de 1000 francs de la cinquième série, mis en circulation en 1957. Conçu par l'artiste Pierre Gauchat, ce billet représente, au verso, la "Danse macabre", un thème iconographique médiéval dans lequel des personnes (hommes, femmes, enfants, papes ou souverains) dansent avec des squelettes.

Il s'agit évidemment d'une allégorie de la mort et du caractère éphémère de la vie. "Tu te crois riche et puissant en me tenant dans tes mains? Eh bien, souviens-toi que tu vas mourir", semble dire le billet. L'effet est indéniable, mais nombreux sont ceux qui préféreront la fourmi...

La danse macabre figure sur le verso du billet de 1000 francs de la cinquième série (1956), signé par le graphiste Pierre Gauchat. [Banque nationale suisse (BNS)]
La danse macabre figure sur le verso du billet de 1000 francs de la cinquième série (1956), signé par le graphiste Pierre Gauchat. [Banque nationale suisse (BNS)]

Zeno Zoccatelli, SWI swissinfo.ch

Adaptation pour RTS: Didier Kottelat

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Les premiers billets de banques et le fédéralisme suisse

Il est important pour toute banque centrale de créer des billets de banque qui soient non seulement fonctionnels, mais aussi beaux. Pour la Suisse fédéraliste de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, c'était aussi une question d'unité nationale.

"Les cantons hésitaient à accorder des pouvoirs au gouvernement central, et cela s'appliquait également aux billets de banque", relève Patrick Halbeisen, directeur des archives de la Banque nationale suisse, "notamment parce que les cantons percevaient des taxes sur l'émission des billets de banque".

Jusqu'en 1906, il y avait 36 banques d'émission. Mais à partir de cette année-là, le pouvoir d'émettre des billets de banque est devenu la prérogative exclusive de la BNS nouvellement créée. "Pour la population, une banque centrale était quelque chose de très abstrait. Je pense qu'il était important pour cette nouvelle institution de donner une image forte", explique Patrick Halbeisen.

La BNS a donc chargé deux des artistes les plus connus de l'époque, Eugène Burnand et Ferdinand Hodler, de dessiner les billets de banque. C'est ainsi qu'est née la deuxième série de billets, la plus ancienne (la première, dite "intérimaire", a été imprimée sur le modèle de celles des banques émettrices précédentes, avec l'ajout de la rosette et de la croix fédérale en surimpression). Les billets signés par Burnand et Hodler ont été émis pour la première fois entre 1911 et 1914 et n'ont été retirés de la circulation qu'à la fin des années 1950.