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"Freebirthing" ou l'accouchement sans assistance médicale

Accoucher hors-hôpital. [Depositphotos - gpointstudios]
Accoucher hors-hôpital. - [Depositphotos - gpointstudios]
Accoucher seule, sans sage-femme ni médecin, c'est ce que l'on appelle le "freebirthing". Certaines femmes ont en effet décidé de tourner le dos au système de santé. Nombre d'entre elles partagent leurs histoires de naissance sur les médias sociaux. Mais quelles sont leurs motivations?

Dans le cadre de la série de podcasts "The Birthkeeper System", Vanessa Ledergerber, journaliste pour SRF, s'est entretenue avec des femmes suisses qui ont choisi d'accoucher seules. Leurs motivations sont diverses: pour Sue Strack, par exemple, il était clair dès le départ qu'elle voulait assumer seule la responsabilité de son accouchement. Traumatisée par la césarienne d'urgence réalisée lors de son premier accouchement, elle a décidé, pour son second enfant, de planifier seule son accouchement.

Rahel Betschart fait également partie de la communauté des femmes qui ont choisi un accouchement non assisté (ANA). Cette femme de 36 ans a mis au monde seule à la maison son sixième enfant, alors que son ancienne sage-femme le lui avait déconseillé. C'est un précédent accouchement non planifié, dans une voiture, qui l'a convaincu: "C'était une expérience extraordinaire pour moi d'y être parvenue sans aide. J'ai réalisé que de toute façon, personne ne peut accoucher à votre place".

Une pratique déconseillée par le corps médical

Werner Stadlmayr, gynécologue et obstétricien de longue date, déconseille cette pratique, tout comme son association professionnelle, la Société suisse de gynécologie et d'obstétrique. La présidente de la Fédération suisse des sages-femmes, Barbara Stocker, déclare: "Je conseillerais à chaque femme d'être au moins accompagnée par une sage-femme lors de l'accouchement. Même si elle ne doit rien faire, elle est le parachute en cas de problème et peut prendre les premières mesures médicales."

La présidente rappelle également qu'une femme meurt toutes les deux minutes dans le monde de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement et se réfère aux chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS): "D'une manière générale, la mortalité maternelle est plus faible là où les soins médicaux et obstétriques sont garantis".

Depuis 2018, Barbara Stocker observe que les accouchements non assistés sont un vrai sujet de discussion, en particulier sur les médias sociaux, bien qu'il n'existe aucun chiffre sur le sujet. Enfin, même si peu de femmes envisagent d'accoucher seules, la sage-femme estime qu'il est important de se demander pourquoi les soins obstétriques ne conviennent pas à ces femmes.

Les besoins des femmes ne sont pas assez pris au sérieux

A ce sujet, Werner Stadlmayr rappelle que même à l'hôpital, il est possible de vivre un accouchement naturel où les besoins de la femme sont pris en compte. D'après lui, si des femmes décident d'accoucher seules, c'est parce qu'elles se sentent impuissantes face au système: "Mais le système n'est pas aussi dur que certaines peuvent le penser".

Le nombre d'accouchements non assistés n'est pas recensé. Barbara Stocker, sage-femme, estime qu'il est important de se demander pourquoi les femmes enceintes se détournent des accouchements médicalisés. [STOCKSY - HILARY WALKER]
Le nombre d'accouchements non assistés n'est pas recensé. Barbara Stocker, sage-femme, estime qu'il est important de se demander pourquoi les femmes enceintes se détournent des accouchements médicalisés. [STOCKSY - HILARY WALKER]

De son côté, la Fédération suisse des sages-femmes dénonce depuis longtemps le manque de personnel en obstétrique, ce qui ne permet pas toujours de prendre suffisamment en compte les besoins individuels. "Les soins sont très fragmentés, de nombreuses personnes sont impliquées et les effectifs sont limités", explique Barbara Stocker.

La présidente estime qu'il faut prendre au sérieux le fait que des expériences traumatisantes se produisent lors de l'accouchement et que certaines femmes se détournent des accouchements médicalisés pour cette raison.

Des formations payantes pour apprendre à accoucher seule

De nombreux profils Instagram, chaînes YouTube et podcasts de la communauté "Freebirth" regorgent d'histoires de naissance positives et d'expériences d'accouchements réparateurs. Non seulement l'image de l'accouchement non assisté est mise en avant, mais elle rapporte aussi de l'argent: sur internet, on trouve des offres de coaching ainsi que des cours de formation pour les "birthkeepers", les accoucheuses qui soutiennent les femmes qui accouchent seules.

Cette formation coûte environ 5000 euros, c'est beaucoup d'argent, estime Barbara Stocker: "En Suisse, tous les soins de maternité sont payés et les services des sages-femmes sont pris en charge. Je trouve aussi ces offres problématiques, car elles ne sont pas ouvertes à toutes les femmes pour des raisons financières."

Dans de nombreux podcasts, des femmes et des couples parlent de leur accouchement non assisté - la plupart du temps, ils décrivent des expériences positives. [SRF]
Dans de nombreux podcasts, des femmes et des couples parlent de leur accouchement non assisté - la plupart du temps, ils décrivent des expériences positives. [SRF]

Autre problème, cette formation n'est pas reconnue: l'accoucheuse n'est pas un titre protégé et n'est pas intégré dans la loi sur les professions de santé. Contrairement aux doulas, par exemple, il n'existe pas non plus de code de déontologie. Mélanie Levy est experte en droit de la santé et codirectrice de l'Institut de droit de la santé de Neuchâtel. Elle relève que la prise en charge des accouchements non assistés par des accoucheuses se situe dans une zone grise d'un point de vue juridique: en cas de problème lors de l'accouchement, la responsabilité de ces accoucheuses n'est pas clairement établie.

Céline Raval (SRF)

Adaptation française: Aline Inhofer

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Cet article est initialement paru en allemand sur le site de la chaîne publique de Suisse alémanique SRF et a été traduit par la rédaction de "dialogue". Vous pouvez lire l’article original sur SRF News.

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