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La "rage routière", quand les nerfs sont mis à rude épreuve dans le trafic

Les tensions sont parfois grandes entre cyclistes et automobilistes. [KEYSTONE - GAETAN BALLY]
Les tensions sont parfois grandes entre cyclistes et automobilistes. - [KEYSTONE - GAETAN BALLY]
La semaine dernière, une dispute entre un conducteur de SUV et un cycliste a eu une issue fatale à Paris. Il existe un nom pour la colère qui se manifeste et parfois explose sur la route: la "Road Rage", traduite par rage au volant ou rage routière. La psychologue Jacqueline Bächli-Biétry explique dans une interview à SRF d'où vient cette colère et ce qu'on peut faire pour la combattre.

SRF News: Pourquoi les nerfs sont-ils autant à vif sur la route?

Jacqueline Bächli-Biétry: Cela s'explique certainement par la densité du trafic. La route doit en principe permettre de se déplacer d'un point A à un point B, et ce sans trop d'obstacles. La frustration vient, je pense, du fait que nous sommes très souvent confrontés à des situations dans lesquelles nous n'avançons pas aussi vite que nous le voudrions ou que d'autres nous empêchent d'avancer. Ces situations recèlent un grand potentiel de frustration.

Cette frustration et cette agressivité sont-elles en augmentation? Quelle tendance percevez-vous?

Il est probable que la frustration augmente avec la densité croissante du trafic. Plus il y a d'embouteillages, plus il y a de points de conflit. Quand de nombreuses personnes se rencontrent, le potentiel de conflit augmente naturellement aussi.

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Quelles dimensions peuvent prendre cette colère, cette agressivité?

Cela dépend d'une part de la personnalité des personnes concernées. Les personnes qui ont plutôt une faible tolérance à la frustration ont une plus grande tendance à réagir de manière agressive. Il en va de même pour les personnes qui ont tendance à agir sous le coup de l'émotion. D'autre part, la réaction dépend de notre attitude. On aura moins tendance à avoir des réactions émotionnelles si on a une relation objective avec son véhicule, c'est-à-dire si on le considère avant tout comme un moyen pour se rendre d'un point A à un point B, que si la voiture sert également à augmenter son estime de soi.

Cette colère peut-elle concerner tout le monde, que l'on se déplace à vélo ou en voiture?

Bien sûr. Le problème, c'est que les automobilistes et les conducteurs peuvent assez facilement traduire cette colère physiquement. En revanche, si je donne un coup de pied dans une voiture en tant que piétonne, les dégâts sont en général relativement faibles. Même à vélo, je n'ai pas cette puissance que possède la voiture. Dans ce cas, la voiture est une arme mortelle.

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Dans quelles situations cela peut-il devenir vraiment dangereux?

Ce sont toujours des situations dans lesquelles quelqu'un est harcelé ou entravé dans ce qu'il croit être son bon droit. Il s'agit de la personne en voiture, à vélo ou même à pied qui a l'impression d'avoir le droit de se déplacer librement. C'est une situation tout à fait banale. Selon la personnalité, un petit détail peut déclencher une réaction de colère.

Que peut-on faire pour ne pas s'énerver trop vite sur la route?

Je préconise toujours d'adopter une pratique de déplacement libérée de toute émotion. Il faut essayer de dissocier le moyen de transport de ses sentiments personnels et de sa propre valeur. Il faut se rappeler que ce que l'on veut, c'est aller d'un point A à un point B, si possible sans dommages. En même temps, il faut accepter que d'autres personnes veulent également aller de A à B. Il est également utile d'utiliser différents types de véhicules et de se déplacer à pied de temps en temps. Il devient alors plus facile de se mettre dans la peau des autres usagers de la route. Dans ce cas, on fait preuve en général de plus de tolérance envers les autres.

* Jacqueline Bächli-Biétry est docteure en psychologie et spécialiste en psychologie de la circulation. Elle travaille depuis plus de 30 ans en tant qu'indépendante à Zurich. Elle réalise principalement des expertises psychologiques afin de vérifier l'aptitude caractérielle à la conduite.

Reena Thelly (SRF)

Adaptation en français: Didier Kottelat

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Que signifie le terme "Road Rage"?

La "Road Rage" désigne la colère qui se manifeste dans le trafic routier. Certains usagers de la route expriment leur mécontentement et leur exaspération lorsqu'ils sont entravés dans leur progression, que ce soit à cause d'un piéton qui veut traverser la route, d'un cycliste qui passe au feu rouge ou d'un automobiliste qui bloque la circulation, explique la psychologue Jacqueline Bächli-Biétry. Cette colère peut se transformer en rage furieuse et même, dans certaines circonstances, avoir des conséquences mortelles.