Au niveau fédéral, les hostilités ont été lancées à l'automne 2023 par le président du PLR Suisse et conseiller aux Etats Thierry Burkart. Accepté en mars 2024 par la Chambre des cantons, son postulat demande au Conseil fédéral de produire un rapport exposant "le cadre réglementaire et financier pour pouvoir continuer à exploiter à long terme les centrales nucléaires en service". Le gouvernement est aussi appelé à réfléchir à "un scénario pour la construction de nouvelles centrales nucléaires".
Ce débat n'agite pas que la Suisse, mais aussi de nombreux autres pays européens. Pour les partisans de l'atome, l'énergie nucléaire permet d'assurer la sécurité de l'approvisionnement électrique tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Les opposants au nucléaire, de leur côté, dénoncent une chimère économiquement pas rentable et dangereuse pour l'environnement. Ils préfèrent miser sur le développement des énergies renouvelables que sont l'hydraulique, le solaire et l'éolien.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Venez en débattre avec toute la Suisse sur dialogue, une offre de la SSR :
L’initiative "Stop au blackout"
L’initiative "Stop au blackout" demande que la Constitution fédérale soit modifiée de telle manière que "toute forme de production d’électricité respectueuse du climat [soit] autorisée". Un article qui fixerait dans la Constitution la liberté absolue d’entreprendre en matière d’énergie électrique tant que les technologies sont non fossiles, avec l’idée sous-jacente de pouvoir revenir sur le "oui" à la sortie du nucléaire décidé par le peuple à 58% en 2017.
Selon le camp bourgeois et une partie de l’économie, ces mesures sont nécessaires, car l’énergie nucléaire serait indispensable à la sécurité énergétique de la Suisse et à sa stratégie contre le réchauffement climatique.
Oppositions multiples
Mais les oppositions sont multiples, notamment à gauche. D’un point de vue technique, de nombreux experts pointent du doigt le fait que la mise en place de nouvelles centrales est un processus laborieux, que ces centrales ne pourraient pas être mises en service avant 2050 et qu’un risque technique majeur subsiste.
Ensuite, d’un point de vue économique, une partie du secteur de l’énergie rechigne à investir dans le nucléaire, trop cher en comparaison des énergies renouvelables et non rentable à long terme en raison des coûts d’exploitation et de traitements des déchets.
Enfin, d’un point de vue environnemental, si l’énergie nucléaire est plus respectueuse du climat, la question du traitement des déchets radioactifs attise l’opposition des partis écologistes et des environnementalistes.
Un sujet qui ne concerne pas que la Suisse
A la suite de l'accident de Fukushima en 2011, le gouvernement suisse avait décidé de sortir progressivement du nucléaire. En 2017, 58% des Suisses avaient validé cette décision en votant pour le démantèlement progressif des cinq centrales nucléaires existantes du pays, l’interdiction de la construction de nouvelles centrales et l’adoption d’une nouvelle loi - la Stratégie énergétique 2050 précitée - qui promeut les énergies renouvelables.
Ce dilemme – continuer à investir dans le nucléaire ou entamer un destitution ce secteur énergétique – a été rendu particulièrement inextricable sous l’effet des préoccupations liées au changement climatique et de la récente crise énergétique résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
>> Voir l’analyse de SWI sur l’état des lieux actuel au niveau mondial de la renucléarisation.
Le Japon a d’ailleurs redémarré ses réacteurs, tandis que d’autres pays en construisent (principalement la Chine, l’Inde et la Russie), envisagent de le faire (notamment la Pologne, la Roumanie et la Corée du Sud) ou prolongent leurs installations nucléaires (la France, la Belgique et la Finlande). Sans parler des nouvelles générations de centrales, qui intéressent toujours plus les milieux pronucléaires.
Julien Furrer