C’est un ballet de cars de touristes étrangers qui sillonne notre pays chaque été. Dans le canton de Vaud, le directeur de Glacier 3000, Bernhard Tschannen, s’en réjouit. Pour lui, cette clientèle comble un manque à gagner. "L’avantage avec ces groupes, c’est que c’est organisé, c’est réservé en avance même s’il ne fait pas tellement beau."
La ville de Lucerne fait également partie des highlights de la Suisse : presque sept millions de touristes par an. Un succès qui agace de nombreux habitants comme Valentin Humbel, le président de la Jeunesse socialiste lucernoise. Au cœur de toutes les tensions, il y a la Schwanenplatz au centre de la ville: "Toutes les 70 secondes, un bus débarque sur la place. C’est énorme. Je passe ici tous les jours à vélo et les bus sont vraiment dangereux."
Si de leur côté les autorités lucernoises se réjouissent de la manne financière liée à ce tourisme, ce n’est pas le cas à Lauterbrunnen. Dans ce petit village du canton de Berne, la majorité des visiteurs ne vient qu’à la journée. Il s’agit de la pire des situations pour une commune puisqu’elle doit supporter les conséquences d’un tourisme de masse sans pouvoir en bénéficier.
Des solutions pour lutter contre le surtourisme
Face à ces désagréments, certains sites commencent ou songent à prendre des mesures comme l’introduction de taxes de stationnement ou d'entrée ou encore de modèles de tarification dynamique pour les billets des chemins de fer de montagne.
Dans le canton de Berne, le petit village d’Iseltwald fait désormais payer l'accès à un célèbre spot de selfies sur le lac de Brienz, tandis que Lauterbrunnen veut instaurer une "taxe de vallée" pour les voitures: le nombre de voitures admises dans la vallée serait ainsi limité au nombre de places de stationnement.
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Pour Markus Berger, de Suisse Tourisme, ces propositions sont bienvenues tant qu’elles respectent les touristes. "Il est bien sûr toujours important que cela ne soulage pas seulement la population et rende le tourisme supportable pour elle, mais que cela soit également compréhensible pour les hôtes." Mais l’augmentation des prix risque-t-elle de faire fuir les touristes? Non, selon Markus Berger. "La Suisse est un pays où les prix sont élevés. Elle l’a toujours été et continuera à l’être. Cela signifie que la Suisse ne s’adresse de toute façon qu’à un certain type d’hôtes."
Le val Verzasca: le cas particulier tessinois
Au Tessin, chaque été, c’est le val Verzasca qui est pris d’assaut par les touristes qui cherchent à échapper à la chaleur en plongeant dans la rivière, au milieu de paysages à couper le souffle. Revers de la médaille: des milliers de voitures créent des embouteillages. Cette situation a récemment poussé les autorités locales à mettre en place des panneaux d'information sur la disponibilité des parkings sans exclure la possibilité de mettre en place un quota pour les touristes.
Mais cette même vallée profite aussi d’un aspect positif du tourisme. Le petit village de Corippo a été au fil du temps déserté par ses habitants. Il y a deux ans, le hameau s’est transformé en hôtel, avec des chambres aménagées dans les maisons laissées vides. Un projet original qui vise, grâce aux touristes, à préserver le patrimoine en revitalisant le village économiquement et socialement.
Vers un tourisme durable
En 2024, la branche du tourisme et des voyages devrait atteindre voire dépasser son niveau prépandémique. Suisse Tourisme a indiqué dans sa conférence de presse vouloir améliorer la répartition des flux touristiques, notamment en faisant la promotion de périodes plus creuses, comme l'automne par exemple.
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Si les risques de surtourisme localisé sont à craindre en Suisse, Francisco Betti, le co-auteur d’un rapport sur le tourisme mondial pour le World Economic Forum (WEF), affirme dans un article de Swissinfo que la Suisse est plutôt bien armée face à ces possibles dérives. Le fédéralisme permet en effet de mieux gérer les flux de visiteurs, de promouvoir des destinations moins connues et d'inclure toutes les parties prenantes pour s'assurer que le tourisme profite à toutes et à tous.
Enfin, Francisco Betti estime que "l’équilibre entre la croissance et la durabilité est le défi du siècle pour le secteur touristique". A ce sujet, il relève que d’autres facteurs peuvent contribuer à un tourisme plus durable: les progrès technologiques comme les carburants durables pour l'aviation, l’hydrogène et l’énergie électrique, mais aussi la jeune génération souvent plus sensible aux questions environnementales et sociales.
Aline Inhofer