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Les fonds Duvalier bloqués en Suisse

L'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier est accusé d'avoir détourné 100 millions de dollars.
L'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier est accusé d'avoir détourné 100 millions de dollars.
Le Conseil fédéral a réaffirmé mercredi sa détermination à rendre à Haïti des avoirs bloqués en Suisse de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier malgré une décision contraire du Tribunal fédéral.

En réaction à une décision du Tribunal fédéral, qui a annoncé
mercredi qu'il annulait la restitution à Haïti d'une partie des
avoirs de Jean-Claude Duvalier, le gouvernement a "immédiatement
bloqué les fonds", a indiqué le Département des Affaires
étrangères. Le gouvernement "a cherché un moyen d'éviter que ces
avoirs ne retournent aux Duvalier qui les ont acquis illicitement",
explique le Département.



Le gouvernement envisage par ailleurs un projet de loi qui
permettrait de confisquer une fois pour toutes les 5,7 millions de
dollars, soit 4 millions d'euros, déposés par la famille Duvalier
sur des comptes suisses, selon les cours de change actuels.



Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des affaires
étrangères (DFAE) de finaliser ce projet d'ici la fin février,
indiquent les services de Micheline Calmy-Rey dans un communiqué.
Les Sept sages espèrent que le parlement adoptera le texte cette
année encore en vue d'une entrée en vigueur dès janvier 2011.



Le texte a été élaboré à la suite d'une intervention parlementaire
de Felix Gutzwiller (PLR/ZH), rappelle le DFAE. Le texte doit
donner un cadre juridique pour faire confisquer par un juge des
fonds illicites bloqués de personnes ayant de hautes fonctions
politiques et éviter leur dégel définitif.

Infraction prescrite

Diffusée mercredi matin,
la décision du Tribunal fédéral date du 12 janvier dernier. Elle a
été rendue un jour avant le tremblement de terre qui a dévasté
Haïti. Bloqués en Suisse depuis avril 1986, les fonds litigieux
sont revendiqués par une fondation liechtensteinoise. L'ayant droit
était jusqu'à son décès, en 1997, la mère de Jean-Claude
Duvalier.



Selon le TF, l'entraide pénale demandée par Haïti ne pourrait être
acceptée que si l'infraction reprochée à Jean-Claude Duvalier,
celle de participation à une organisation criminelle, n'était pas
prescrite. Il rappelle que le point de départ du délai de
prescription, qui est de quinze ans, court dès la chute du régime
Duvalier.



Par conséquent, la prescription est intervenue en février 2001
déjà. Peu importe si la demande d'entraide se fonde sur d'autres
crimes commis par le clan Duvalier, notamment les assassinats
commis par les Tontons Macoutes, pour lesquels le délai de
prescription est de trente ans.



Pour le TF, l'argument de l'Etat haïtien tombe à faux. Il doit y
avoir un lien direct entre les valeurs confisquées et les
infractions reprochées. Or "il apparaît que les avoirs détenus par
le clan Duvalier ne sont pas le fruit d'infractions contre la vie
ou l'intégrité corporelle mais uniquement le résultat de
détournements opérés au préjudice d'Haïti".

Loi trop stricte

La récupération des avoirs des dictateurs déchus se heurte à
divers obstacles, précise le TF à la fin de son jugement. Les
conditions posées par la loi sur l'entraide pénale internationale
(EIMP) apparaissent, selon lui, "trop strictes pour ce genre
d'affaires".



"C'est au législateur qu'il appartient d'apporter les corrections
et allègements pour tenir compte des particularités de ces
procédures", ajoute la Haute Cour.



En février 2009, l'OFJ avait décidé de remettre à Haïti les fonds
bloqués, qui se montent à 4,6 millions de dollars, soit 4,86
millions de francs. La Cour des plaintes du TPF avait confirmé
cette décision avant que le TF ne rende son verdict.



ats/nr

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Feuilleton interminable

Le litige est ancien. L'entraide judiciaire avait été requise pour la première fois par Haïti en 1986 déjà et les fonds bloqués dès cette date. En l'absence d'une procédure pénale contre l'ex-dictateur, la coopération avait été refusée par la Suisse en 1991, puis en 2002.

Agissant sur la base de la Constitution, le Conseil fédéral avait bloqué les fonds afin de permettre des négociations. En mai 2008, Haïti avait présenté sa dernière demande.

L'ex-dictateur haïtien, surnommé "Bébé Doc", et son entourage sont accusés par Port-au-Prince d'avoir détourné plus de 100 millions de dollars sous le couvert d'oeuvres sociales.