Les ministres des Transports européens se sont mis d'accord
lundi soir pour assouplir les restrictions de vol imposées depuis
jeudi après-midi dans une grande partie de l'Europe. Le trafic
aérien va reprendre "progressivement" au plus tard mardi à 06H00
GMT, a annoncé la présidence espagnole de l'Union européenne.
L'UE a décidé d'établir trois zones géographiques: l'une proche du
centre des émissions de cendre du volcan islandais, dans laquelle
les restrictions au trafic demeureront "absolues", une seconde où
elles seront levées mais où la situation évoluera en fonction des
relevés scientifiques, et une troisième "ne nécessitant aucune
restriction d'aucune type".
Retour à la normale d'ici jeudi
Le retour complet à la normale du trafic aérien est attendu
d'ici jeudi, selon l'Organisation européenne pour la sécurité de la
navigation aérienne, Eurocontrol. Par rapport à la situation
enregistrée lundi, où 30% seulement des vols habituels dans l'Union
européenne ont pu être effectués, "on peut s'attendre à ce que 10 à
15% en plus s'y ajoutent durant la journée de demain (mardi) et
encore 10 à 15% le jour suivant", a déclaré son directeur, Bo
Redeborn.
"Et si les choses continuent comme elles sont actuellement et que
le volcan cesse d'émettre des cendres vers l'Europe, nous serons
probablement de retour à la normale d'ici jeudi", a-t-il
ajouté.
Plusieurs pays n'ont pas attendu le feu vert officiel européen
pour rouvrir leur ciel. La Roumanie a rouvert complètement son
espace aérien dès lundi soir. Aux Pays-Bas, trois avions
transportant des passagers décolleront dès lundi soir de l'aéroport
d'Amsterdam-Schiphol pour Shanghai, Dubaï et New-York.
L'Estonie a annoncé la réouverture pour six heures mardi à partir
de 03H00 (00H00 GMT) de son espace aérien, alors que la Lettonie a
autorisé les survols de son territoire.
D'abord la Grande-Bretagne
L'espace
aérien britannique va être progressivement rouvert à compter de
mardi matin. La France quant à elle va mettre en place des
"corridors aériens" entre Paris et les aéroports du sud et rouvrir
progressivement les aéroports fermés.
Cette reprise progressive du trafic aérien constituera un
soulagement pour les millions de passagers cloués au sol depuis
plusieurs jours. En pleine campagne électorale, le gouvernement du
travailliste Gordon Brown s'est particulièrement mobilisé pour
rapatrier les 150'000 ressortissants britanniques en rade, en
appelant même à la rescousse des navires de guerre de la Royal
Navy.
Lufthansa a annoncé qu'elle allait rapatrier 15'000 passagers vers
l'Allemagne. Nombre de compagnies ferroviaires ont ajouté des
trains sur leurs lignes. Autocars, voitures de location et bateaux
sont pris d'assaut. Les chauffeurs de taxis multiplient quant à eux
les longues courses.
Près de 7 millions de passagers bloqués
Plus de 6,8 millions de passagers ont été cloués au sol dans 313
aéroports, selon Airports Council International (ACI), la plus
importante organisation professionnelle des aéroports. Des milliers
de personnes dorment dans des aéroports. Les seuls ravis de cet
événement sans précédent semblaient les riverains d'aéroports qui
ont goûté avec un rare plaisir des journées de printemps
exceptionnellement calmes, épargnés de l'habituel vacarme des
réacteurs d'avions.
Le secteur aérien a poussé avec vigueur de son coté pour assouplir
les restrictions de vol, excessives à leurs yeux. L'Association
internationale du transport aérien (IATA) a fustigé la gestion de
la crise par les gouvernements et l'UE, évoquant "une pagaille
européenne" qui coûte environ 150 millions d'euros par jour au
secteur. "L'ampleur de cette crise est désormais plus importante
que le 11-septembre", a indiqué le directeur de cette association,
Giovanni Bisignani.
Pour l'ensemble de l'économie allemande, le préjudice est
d'environ un milliard d'euros par jour, selon le chef économiste de
la Chambre de commerce et d'industrie allemande (DIHK), Volker
Treier.
Excès de zèle critiqué
Des voix se sont élevées pour mettre
en cause un excès de zèle des autorités au nom du "principe de
précaution", comme lors de la pandémie de grippe. Mais les
autorités ont rejeté ce grief, en soulignant qu'en cas d'accident
elles auraient été accusées a contrario de n'avoir rien fait.
"Je pense qu'en matière de sécurité aérienne (...) on ne prend
jamais assez de précautions", a déclaré le ministre français des
Transports, Dominique Bussereau. Un responsable américain a abondé
dans ce sens en révélant lundi qu'un incident était survenu avec un
chasseur bombardier F-16 de l'OTAN, dont les moteurs ont commencé à
être "vitrifiés" par le nuage de cendres.
Les cendres moins élevées
Le volcan islandais Eyjafjöll a émis beaucoup moins de cendres
ces dernières heures, un signe d'accalmie qui permet d'espérer la
fin prochaine de la paralysie aérienne en Europe, estimaient lundi
les scientifiques. "Actuellement, l'éruption a diminué nettement",
a déclaré une sismologue au département de géophysique de
l'Université d'Islande, Bryndis Brandsdottir.
"Le volume de cendres (rejeté) a beaucoup baissé" et la colonne ne
dépasse plus les 3000 m, a-t-elle dit. Au plus fort de l'éruption,
mercredi à son commencement, la cendre s'était élevée jusqu'à 9000
m dans les airs.
Les scientifiques ont prévenu que de nouvelles éruptions, plus
violentes, pouvaient se produire une fois que l'actuelle serait
terminée. Ils craignent en outre que cette activité volcanique
enregistrée toutes ces dernières semaines ne réveille le volcan
voisin Katla, considéré comme bien plus dangereux et qui sommeille
depuis 1918.
agences/lan
Bruxelles ouvre la porte aux subsides
L'Union européenne est prête à autoriser les Etats de l'Union à aider financièrement les compagnies aériennes affectées par le passage du nuage de cendres volcaniques, a indiqué lundi la Commission européenne.
"Les Etats membres (de l'UE) devront démontrer la nécessité de l'aide et s'assurer qu'elle ne constitue pas un soutien excessif par rapport aux entreprises concurrentes.
La porte-parole du gendarme européen de la concurrence a précisé que l'octroi de ces aides publiques exceptionnelles était prévu par un article du traité européen (107) "qui permet aux Etats de compenser les préjudices liés aux catastrophes naturelles ou qui sont dus à des événements exceptionnels".
Dérogation "à vue" pour Lufthansa
La compagnie allemande Lufthansa va rapatrier 15'000 passagers depuis l'Asie, l'Amérique du Nord et du Sud et l'Afrique vers l'Allemagne, profitant d'une autorisation obtenue lundi de faire voler 50 avions longs courriers.
Un avion d'Air Berlin a déjà pu atterrir dans le pays.
Ces vols doivent être opérés en pilotage "à vue", et ne signifient pas une reprise du trafic normal.
La concurrente Air Berlin a indiqué de son côté qu'elle avait repris lundi partiellement son trafic, elle aussi en vol "à vue", entre l'Allemagne et l'île espagnole de Majorque, très prisée des touristes allemands.
Un premier vol d'Air Berlin est arrivé à Munich à 13h23 GMT, en provenance de Palma de Majorque.